Critique Les Eternels : un ratage cosmique

  • Par Mr Geek
  • Publié le 27 octobre 2021 à 13:17, modifié le 12 février 2022 à 23:40

On a vu en avant-première le prochain long métrage du MCU, et si on aurait adoré vous en dire du bien, force est de constater que c’est un ratage de grande ampleur : tout n’est pas à jeter, mais le film est globalement bien raté. Bien entendu cet avis n’engage que nous et on vous invite à aller par vous-mêmes découvrir le film mercredi prochain pour vous faire votre propre opinion.

Les Eternels : un film « woke » intelligent

Plusieurs fois repoussé, le film Les Eternels a déjà suscité à de nombreuses reprises la polémique et ce bien avant sa sortie. Réalisé par Chloé Zhao, la réalisatrice triplement oscarisée pour Nomadland, Les Eternels avait un parfum de woke dès sa génèse.

Dans une interview donnée en avril dernier au magazine Variety, Kevin Feige le patron de Marvel Studios avait déclaré au sujet du film :

L’idée d’échanger les genres, les sexualités et les ethnies des personnages de la bande dessinée était initialement prévue. C’était une partie de ce que Nate Moore préconisait vraiment en plaçant « Les Eternels » en haut de la liste pour que nous commencions à travailler dessus.

Les Eternels avaient donc dès le départ un coté « United Colors of Benetton » en mode LGBT qui nous a particulièrement inquiétés quand le film s’est mis à faire le buzz au motif qu’il montrerait le premier baiser gay entre deux hommes dans un film Marvel.

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Après visionnage, toutes nos inquiétudes ont totalement disparu à ce sujet. Si le changement d’ethnie et de sexualité des Eternels n’apporte objectivement rien à l’intrigue, il ne lui nuit pas non plus. Chloé Zhao a d’ailleurs fait preuve d’intelligence et de subtilité dans sa façon d’introduire un couple gay, et leur baiser, à l’approche d’une possible fin du monde, nous a semblé on ne peut plus naturel et innocent.

Alors qu’on était – à priori – prêts à fustiger ces changements tous azimuts, ils ont été opérés avec suffisamment de subtilité pour porter un message de tolérance tout à fait bienvenu. On espère d’ailleurs voir davantage de films et séries traiter de la sorte les différences de genres et d’ethnies, c’est à dire en gommant ces divisions dénuées d’intéret particulier.

Reste tout de meme que le grand méchant du film n’est autre qu’un blanc, musclé, ultra cliché, et ce n’est certainement pas un hasard …

Une très belle photographie

Deuxième point positif du film, les images sont belles, très belles meme. Chloé Zhao s’était affirmée avec Nomadland dans une nouvelle forme de cinéma naturaliste, qui s’appuie sur le vécu des acteurs pour construire ses intrigues, et fait la place belle à la lumière naturelle et à des paysages à couper le souffle.

On retrouve cette ambiance si particulière dès le début du film, avec de sublimes panoramiques et une photographie exceptionnelle. Meme les plans bourrés d’images de synthèse, lors de la reconstitution de Babylone par exemple, sont plutot réussis.

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Enfin, les effets lumineux avec des arabesques dorées, qu’on avait aperçus dans les bandes annonces, sont franchement classes, et intelligemment inspirés du style graphique de Jack Kirby, le créateur des Eternels.

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Pour une fois les bande annonces ne spoilent pas l’intrigue

Autre point plutot positif, pour une fois les bande annonce n’en dévoilent pas trop sur l’intrigue. En effet la quasi totalité des images déjà montrées sont tirées des 15 premières minutes du film.

En revanche, ces bandes annonces comportent aussi toutes les touches d’humour du film, autrement dit ne vous attendez pas à retrouver l’ambiance potache de la plupart des films Marvel, caractéristique que lui reprochent d’ailleurs les fervents défenseurs d’un DCEU beaucoup plus sombre dans son ensemble.

Le film se veut « sérieux », les enjeux étant d’une autre envergure ici, ce qui ne sera pas forcément un point positif pour tous les spectateurs, et en tous cas ne nous a pas vraiment séduits.

Un scénario bancale

Avant de parler des gros défauts du film, il convient de se concentrer sur sa trame scénaristique.

L’excuse avancé par Circée pour justifier le fait de ne pas etre intervenu lorsque Thanos a rayé la moitié de l’humanité sonne aussi juste que les bobards que vous sortiez gamins quand vous arriviez en retard à l’école. Ce levier scénaristique est d’ailleurs d’autant plus creux qu’on essaie par la suite de nous présenter par la suite les Eternels comme des demi-dieux avec de l’empathie.

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Un autre point nous a semblé assez curieux : meme si les Déviants concentrent leur énergie sur nos Eternels, on s’étonne qu’aucun super-héros ne remarque quoi que ce soit ni n’intervienne (on pense en particulier à Doctor Strange qui aurait du voir son alarme à péril interstellaire hurler à la mort). On comprend bien qu’introduire 10 Eternels était déjà une lourde tache, mais ça ne change rien au résultat.

Quant à l’explication du retour des Déviants, elle semble empruntée à un mauvais film catastrophe en manque d’inspiration…

Un film interminable construit autour d’une histoire d’amour contrariée

Denis Villeneuve a démontré avec talent qu’on pouvait parfaitement réaliser un film très long (2h35) au rythme lent, avec de belles images et une ambiance contemplative sans provoquer le moindre ennui. Seulement force est de constater que Chloe Zhao n’est pas Villeneuve, et on a plusieurs fois regardé la montre pendant la projection de 2h37 qui nous a elle aussi paru éternelle. Une bonne moitié du film est consacrée à des flashbacks à différentes époques, de l’antiquité aux pyramides en passant par Babylone.

On comprend dès le début du film que les Eternels ont plus de 7000 ans, et si les images sont toujours belles, ces douzaines de passages sont inutiles et ne permettent pas de développer correctement la backstory des 10 personnages (oui ça fait beaucoup 10 nouveaux personnages d’un coup) ni meme l’intrigue.

A gros coups de burins on finit par comprendre que l’histoire d’amour entre Ikaris (Richard Madden) et Sersei (Gemma Chan) est l’axe principal du film imaginé par Chloe Zhao, et que tout le reste du scénario n’est que remplissage. La première « scène de sexe dans un Marvel » entre ces deux amants est d’ailleurs tellement insipide et asexuée qu’on se demande vraiment à quoi elle sert : pour tout vous dire ce n’est qu’en lisant les critiques de mes collègues que je me suis rendu compte de son existence. J’étais totalement passé à coté tant elle était insignifiante et dénuée d’intéret…

En résumé, cette idylle inintéressante est assez mal amenée, et meme les plus romantiques des spectateurs auront bien du mal à se sentir touchés par cet amour impossible.

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Notez qu’il ne s’agit pas d’ailleurs d’une simple histoire d’amour entre deux Eternels, mais d’un triangle amoureux avec Dane Whitman (Kit Harington), que les fans de comics attendaient avec impatience.

Le Chevalier Noir (oui on parle de la meme personne) était l’un de mes personnages préférés quand j’étais gosse, notamment pour son périple au temps de la Table ronde et aussi le story arc dans lequel il croise le Maitre de l’Evolution.

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Malheureusement, le personnage est à peine teasé dans le film et ne sert ici absolument à rien …

L’héritage de Kirby bafoué

Si vous n’avez jamais lu les comics de Jack Kirby, vous pouvez passer directement au paragraphe suivant. Pour les autres, j’ai une très mauvaise nouvelle : vous allez méchamment souffrir pendant 2h37.

Il est évident que la réalisatrice n’a pas lu les comics de Kirby, pas plus que l’excellente mini-série de Neil Gaiman et John Romita Jr. sortie en 2007.

On est bien conscients que l’exercice d’adaptation d’un comic book passe par des modifications plus ou moins profondes, mais il est important de conserver l’esprit original de l’œuvre.

On accepte parfaitement que dans les films Spider-Man de Sam Raimi, Spider-Man n’ait pas de lanceurs de toile ou que le premier film Iron Man commence en Afghanistan au lieu du Vietnam, parce que l’esprit des comics est dans les deux cas respecté (non on ne parlera pas du dossier Mandarin/Iron Man 3, d’autant que le film Shang-Chi a finalement rectifié le tir).

Ce que Chloe a fait des Deviants est – je garde mon calme – disons juste lamentable. Sans spoiler le film, ça tourne franchement au mauvais long métrage avec des extra-terrestres, avec un cliffhanger pathétique, meme si vers la fin on reboucle à peu près sur l’histoire de Kirby. Or vu que la dynamique du film est basée sur cette confrontation Eternels/Deviants, tout le chateau de cartes s’effondre dès les premières minutes.

Autre point vraiment désagréable : alors que le design des Célestes avait été magistralement retranscrit dans les précédents films du MCU, Zhao a décidé ce les relooker pour leur donner un aspect plus organique.

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Oui je sais, ça ressemble à du pinaillage ridicule, mais pour un fan inconditionnel de comics ce qu’elle a fait revient à moderniser un design mythique pour le rendre plus « 2021 », un peu comme si elle collait une cape verte à Superman pour le rendre plus « eco friendly ».

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Si le film avait du rythme et nous faisait vibrer, on aurait pu passer outre ce point, mais là c’est la goutte d’eau de trop.

Les Eternels passe complètement à coté de ses enjeux

Introduire 10 nouveaux personnages d’un coup était un exercice casse-gueule, comme l’ont montré les deux versions de Justice League. On se disait néanmoins que 2h37 permettraient peut-être d’y parvenir à travers une fresque épique qui traverse les âges, d’autant que le film dévoile des enjeux cosmiques d’une ampleur qui dépasse largement tout ce qui a été vu dans le MCU (y compris dans Avengers Endgame).

Mais au lieu de cela, on subit un mélodrame amoureux englué dans un conflit des gentils soldats contre de méchantes bestioles, qui décolle à peine vers la fin du film … si vous ne vous êtes pas encore endormis d’ici là.

Ce supplice se termine par l’annonce que « Les Eternels reviendront », laquelle sonne plus comme une menace qu’un promesse alors qu’on vient enfin de s’extirper de ce spectacle aussi long et beau qu’insipide.

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On est néanmoins sorti de la salle sur une note positive, car si la deuxième scène post-générique était ultra prévisible (amenée avec autant de finesse qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine), la première en revanche nous a pris au dépourvu, dans le bon sens du terme.

Cette scène pourrait présager une suite très intéressante, à condition qu’un réalisateur dans la veine de Taika Waititi prenne le relais. Chloé Zhao étant censurée en Chine, marché clef pour assurer la rentabilité des longs métrages de Mickey, rien ne garantit d’ailleurs qu’elle reprendra du service dans le MCU, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle …

Avis de la rédaction sur Les Eternels   2 / 5