La pandémie mondiale a permis d’accélérer la digitalisation des entreprises et de banaliser le télétravail. Si nombre de sociétés du tertiaire autorisent désormais leurs salariés à rester chez eux une partie de la semaine, à contre courant Elon Musk a menacé de renvoi les employés de Tesla qui voulaient rester meme partiellement en télétravail. Sauf que l’homme le plus riche du monde n’avait pas vraiment anticipé le gros couac logistique qu’à déclenché son ultimatum.
Elon Musk menace de renvoyer les employés qui ne reviendraient pas travailler à plein temps au bureau
Début juin, le milliardaire excentrique qui veut racheter Twitter a envoyé une série de mails à ses collaborateurs dans lesquels il menaçait de les virer s’ils ne revenaient pas travailler à plein temps dans les locaux.
Le premier courrier électronique interne précisait :
Tout le monde chez Tesla est tenu de passer un minimum de 40 heures au bureau par semaine.
Si vous ne vous présentez pas, nous considérerons que vous avez démissionné.
C’est moins que ce que nous demandons à nos ouvrier en usine.S’il y a des contributeurs particulièrement exceptionnels pour qui cela est impossible, j’examinerai et approuverai ces exceptions personnellement.
On ne connait évidemment pas le détail des contrats de travail que les employés de Tesla ont signé lors de leur embauche, mais si on se cale sur le droit européen, des clauses de mobilités et un nombre d’heures obligatoires sur site y sont généralement stipulés. Autrement dit cette menace n’a rien de théorique et celles et ceux qui refuseraient de revenir à 100% au bureau pourraient vraiment etre virés sans compensation, aux USA comme en Europe.
Le milliardaire s’est ensuite justifié dans un autre email en vantant la culture d’entreprise du premier constructeur mondial de voitures électriques : « il y a bien sûr des entreprises qui n’ont pas besoin de cela, mais à quand remonte la dernière fois qu’elles ont expédié un nouveau produit génial ? Cela fait un moment que] Tesla a créé et fabrique réellement les produits les plus excitants et les plus significatifs de toutes les entreprises sur Terre. Cela ne se fera pas en téléphonant. »
Il a ensuite enfoncé le clou en déclarant « Si je n’avais pas fait cela, Tesla aurait fait faillite depuis longtemps. »
Interpellé sur Twitter au sujet de ces mails internes franchement agressifs, Musk est resté ferme sur ses positions et a meme invité les salariés qui n’accepteraient pas sa décision à « aller travailler ailleurs »…
Bonne ambiance chez Tesla !
Les syndicats réagissent à cette menace
Si le droit du travail aux Etats Unis est sans doute plus du coté des employeurs que des salariés, ce n’est pas le cas en Europe, or Tesla possède notamment deux grosses usines de production en Allemagne.
Le syndicat allemand IG Metall a aussitôt réagi aux déclarations d’Elon Musk, en annonçant qu’il soutiendrait si nécessaire les 4000 employés de l’usine de la Tesla Gigafactory Berlin-Brandenburg, d’autant que ses effectifs devraient bientôt monter à 12 000 employés.
Birgit Dietze, porte-parole local d’IG Metall a été très claire à ce sujet :
Toute personne n’acceptant pas de telles demandes à sens unique et désirant s’élever contre elles a le pouvoir des syndicats derrière eux en Allemagne, comme le prévoit la loi.
Sauf qu’un bras de fer sera sans doute évité pour une toute autre raison.
Tesla manque de place pour accueillir tous ses employés
Suite à cette déclaration de guerre contre le télétravail, les employés de Tesla sont tous revenus en présentiel sur les différents sites du constructeur, sauf que d’après le site The Information, ce retour massif a posé des problèmes logistiques sur le campus de Frémont.
Le nombre de places de parking n’y est pas suffisant et de nombreux employés ont été forcés de laisser leurs véhicules à la gare la plus proche pour venir travailler en navette, un comble pour un constructeur automobile. Pire encore, il n’y avait pas assez des places assises dans les locaux pour tout le monde. Enfin coté infrastructures informatiques, le site n’était pas non plus équipé de suffisamment d’antennes wifi pour permettre à tous les employés de travailler dans de bonnes conditions.
Cette série de dysfonctionnements était pourtant prévisible quand ont sait que le nombre d’employés Tesla a doublé depuis le début de la crise sanitaire, qu’un tiers d’entre eux sont affectés au site de Fremont et que de surcroit les locaux y ont été réaménagés pour fonctionner avec un staff réduit pendant les confinements.
Autrement dit poser des ultimatums c’est bien, mais descendre sur le terrain avant c’est mieux, et Elon s’en serait sans doute rendu compte … s’il passait 40 heures par semaine à Fremont…
Les français moins attirés par le télétravail que leurs voisins …
Il est bien évident que tous les métiers ne se prêtent pas au télétravail. Pour le cas Tesla, s’il semble logique que les ouvriers soient présents physiquement sur les sites de production, on a plus de mal à comprendre pourquoi les cadres informatiques devraient subir les mêmes contraintes. En effet pour ce qui concerne les métiers tertiaires, le Covid a non seulement démontré que le télétravail partiel était une option viable, mais une bonne partie des salariés y ont également pris gout.
Une étude menée en 2021 par 3 économistes de Chicago, Stanford et Mexico auprès de 30 000 travailleurs américains a mis en lumière que moins de 30% des travailleurs souhaitaient revenir entièrement en présentiel et que 20% envisageaient sérieusement de passer à 100% en télétravail.
Une étude similaire menée par l’IFOP en mai 2021 auprès des cadres a cependant montré que les français étaient moins attirés par le télétravail que leurs voisins européens ou leurs cousins américains.
Interrogés à l’époque de la reprise du travail en présentiel, les cadres français souhaitaient en moyenne télétravailler 1,8 jours par semaine, contre 2 jours par semaine au Royaume-Uni, 2,2 en Allemagne, 2,4 en Italie et 2,7 en Espagne.
… sauf dans le secteur informatique
Ce manque d’attrait en France pour le télétravail ne touche toutefois pas de la meme façon tous les secteurs d’activité tertiaire, car en parallèle le télétravail gagne de plus en plus de terrain dans le digital.
La pandémie et les confinements ont bouleversé la façon de travailler et entrainé de nombreuses remises en question vis à vis du manque de flexibilité, du manque de reconnaissance et surtout de la faible qualité de vie des cadres dans les plus grandes villes. Particulièrement dans le secteur IT, la présence physique dans les locaux ne se justifie plus vraiment à l’heure où l’usage de Zoom, Teams, Slack ou Skype se sont généralisés. Une conséquence de cette mutation est que de plus en plus de salariés cherchent davantage de flexibilité, et se tournent à la fois vers un statut de freelance et du télétravail au moins 2 jours par semaine.
Les entreprises sont plus ouvertes qu’avant à ce mode de fonctionnement, une étude menée en 2021 par une plateforme freelance auprès de 500 DRH et cadres ayant révélé que 57% des entreprises avaient déjà recruté des freelances à défaut de trouver des salariés pour les poste à pourvoir. Elles intègrent de plus en plus le télétravail dans leur organisation : sur 1700 annonces de missions freelance actuellement disponibles sur freelance-informatique.fr, 15% (250 offres) ne sont pas directement rattachées à un lieu physique.
Selon une étude menée par le cabinet de recrutement Cooptalis l’an dernier auprès de 526 DRH et dirigeants, 58% des entreprises interrogées affirmaient que certains salariés avaient également demandé à passer de salariés à freelances.
Selon cette meme étude, 44% des entreprises ont d’ailleurs augmenté leur effectif de freelances en 2021. Des chiffres qui convergent avec ceux de l’Insee qui montre que le nombre de création de micro-entreprise a augmenté de 21,8% l’an dernier.
Le CDI est certes loin d’etre mort, mais une mutation vers de nouvelles forme d’organisation du travail a officiellement commencé, que ça plaise ou non aux grands patrons …