Marvel et DC en France : une saga très compliquée
Avant toute chose il convient de faire un petit rappel sur l’histoire des deux éditeurs en France.
Si aux Etats Unis Marvel et DC jouissent d’une popularité équivalente, il n’en est pas de même en France pour des raisons historiques.
Bien que les choses aient sensiblement changé ces dernières années, tout comme pour les dessins animés, les bandes dessinées étaient réservées « aux enfants » jusque dans les années 2000.
1969
Les super-héros américain font leurs débuts en France chez l’éditeur lyonnais LUG. A l’époque LUG acquiert les droits de diffusion de Marvel Comics et publie ses histoires de super-héros dans Fantask, Marvel, Strange, Spécial Strange, Nova, Titans et Spidey, avec de superbes couvertures réalisées par Jean Frisano.
1979
C’est la sortie du film Superman de Richard Donner en France, qui sera suivie de 3 suites moins réussies les unes que les autres.
1987
Après un Superman IV très décevant la franchise ne connaîtra plus de suite au cinéma pendant plus de 35 ans.
1989
L’un des deux fondateurs de Lug tombe malade et la franchise est revendue à l’éditeur suédois Semic.
Tim Burton sort son premier film Batman qui remporte un succès écrasant : 35 millions de dollars de budget et 411 millions de recettes mondiales.
1992
Les plus jeunes découvrent Batman dans la série animée du même nom créée par Bruce Timm.
1993
La série Lois et Clark débarque sur le petit écran.
1994
Marvel Entertainment Group fait l’acquisition de Panini (les albums avec autocollants que vous connaissez bien).
1996
Marvel est déclaré en faillite.
Semic perd les licences Marvel Comics et décide de publier à la place des séries sous licences DC Comics et Image Comics.
1997
Marvel est vendu au groupe média américain Saban Entertainment.
2000
Bad Hat Harry Productions, 20th Century Fox, Donners’ Company et Marvel produisent le film X-Men qui est très bien accueilli par le public : avec un budget de 75 millions de dollars, il ramènera 296 millions de dollars au box-office mondial.
Après 4 ans d’absence des séries Marvel en kiosque, Panini décide alors d’éditer à nouveau des bandes dessinées mensuelles en France.
2001
The Walt Disney Company rachète Saban Entertainment et donc les droits de Marvel.
C’est le début de la série Smallville sur la jeunesse de Superman, série qui durera près de 10 ans.
2005
La société Semic est dissoute.
2006
Semic perde le catalogue DC qui est repris par Panini.
2011
Le nom Semic est à nouveau utilisé pour créer Semic Distribution qui commercialise essentiellement des produits dérivés Marvel.
2012
Les droits de DC Comics passent chez le nouveau label de Dargaud : Urban Comics.
C’est trop compliqué, je n’ai rien compris
Donc si on devait faire un rapide résumé de cette épopée :
- Jusqu’à 1996 : les lecteurs français ne connaissaient que les BD Marvel mais avaient déjà découvert Batman et Superman à la TV et au cinéma.
- A partir de 1996 : les lecteurs découvrent enfin les bandes dessinées DC en kiosque.
- Depuis 2000 : Marvel est de retour en force au cinéma.
C’est ce qui explique une plus grande popularité dans l’hexagone des personnages de l’écurie Marvel, et donc un parti pris de certains blogueurs et journalistes français.
La construction du Marvel Cinematic Universe a pris du temps
Le MCU (Marvel Cinematic Universe) ne s’est pas construit en un jour.
De nombreux films dont un bon paquet de nanards ont jalonné ses premières années.
Avant 2005, Marvel qui était en faillite avait signé plusieurs contrats de co-production de films avec notamment Columbia Pictures, New Line Cinema et 20th Century Fox ce qui a donné des films souvent de mauvaise facture :
- Fantastic Four (1994)
- Hulk (2003)
- Daredevil (2003)
- The Punisher (2004)
- etc.
Seulement en 2000 la 20th Century Fox sort X-Men et engrange près de 300 millions de dollars et 2 ans plus tard Sam Raimi fait exploser le box office avec son Spider-Man sous étendard Sony Pictures qui rapporte 821 millions de dollars.
En 2005, réalisant qu’il ne lui reste que les droits des Avengers, le président de Marvel Studios Kevin Feige décide de lancer le projet MCU et Marvel Studios emprunte 525 millions de dollars sur 7 ans pour lancer ce projet titanesque.
Le plan est le suivant : produire un film sur chaque héros, puis les réunir dans un film cross-over sur les Avengers.
La phase 1 du MCU est constituée des films suivants :
- Iron Man (585 millions de dollars de recettes)
- L’Incroyable Hulk (263 millions de dollars de recettes)
- Iron Man 2 (624 millions de dollars de recettes)
- Thor (449 millions de dollars de recettes)
- Captain America: First Avenger (370 millions de dollars de recettes)
- Avengers (1,5 milliards de dollars de recettes)
Si les 2 films Iron Man sont incontestablement réussis on ne peut pas en dire autant de tous les autres :
- L’Incroyable Hulk est à la limite du navet
- Captain America: First Avenger est très mou et si Thor s’en sort un peu mieux, le film est loin d’être réussi
C’est en fait le film Avengers (que j’ai personnellement trouvé assez moyen) qui lancera définitivement le MCU au top du box office en devenant le 5ème film le plus rentable de tous les temps.
DC Comics et Warner sont pressés de rattraper le temps perdu
Passons maintenant au coeur du sujet de cet article !
DC Comics est très présent sur le petit écran depuis des décennies que ce soit sous forme de dessins animés ou de séries TV.
La maison d’édition qui s’est associée à Warner Bros au cinéma a su également relancer avec talent une nouvelle trilogie autour du Batman en 2005.
Seul hic si au même moment Marvel posait patiemment ses pièces unes à une sur l’échiquier, de leur coté DC et Warner n’ont qu’un seul et unique cavalier à leur opposer.
Voyant que Marvel rafle tout au cinéma Warner et DC se disent qu’il n’est peut-être pas trop tard pour rentrer dans la course.
Un projet de DC Extended Universe est envisagé, et la production de Man of Steel est lancée en 2012. Le film ayant rapporté 291 millions de dollars, Warner annonce au comic con de 2013 le lancement officiel de l’Univers cinématographique DC centré autour de la Justice League.
Seulement Warner et pressé et souhaite introduire le plus de super-héros possible en un minimum de temps.
C’est selon nous ce qui explique le calendrier « à l’envers » des films et le phénomène de gavage auquel on a pu assister :
- Man of Steel (2013)
- Batman v Superman (2016)
- Suicide Squad (2016)
- Wonder Woman (2017)
- Justice League (2017)
- The Flash (2018)
- Aquaman (2018)
- Shazam (2019)
- Justice League 2 (2019)
- The Batman (2019)
- Cyborg (2019)
- Green Lantern Corps (2020)
Donc si vous avez bien suivi vous avez constaté que les films solos sur Flash, Aquaman et Batman ont été planifiés après le film Justice League.
Pour donner un minimum de cohérence à cet univers sans utiliser de longs métrages il faut donc fourrer le maximum de références possibles aux autres héros.
En septembre 2014, Marvel et DC annoncent simultanément le lancement des projets Deadpool et Suicide Squad.
On peut toutefois être étonné de ces choix surtout côté DC. J’adore Deadpool mais le personnage est relativement peu connu du grand public, et la Suicide Squad l’est sans doute encore moins. A moins que DC ne compte sur la notoriété de la série CW Arrow pour préparer le terrain ?
L’idée était en tous cas maline car elle permettait de faire d’une pierre deux coups :
- surfer sur la vague des anti-héros initiée en 2010 par Kick Ass
- et introduire un maximum de personnages, avec le plus de caméos possibles
Quelle est la responsabilité de Warner dans les semi-flops de BvS et Suicide Squad ?
L’idée n’est pas de relancer le débat sur Batman v Superman ou Suicide Squad.
Tant mieux si vous avez aimé (ce qui n’est pas notre cas) et oui on sait les 2 films ont plutôt bien marché au box office malgré pas mal de défauts … et aussi d’excuses bien foireuses !
Depuis quelques temps, les studios ont bon dos et sont la cible quasi-unique des critiques quand un film de super-héros fait un bide critique.
Si c’est en partie vrai, je trouve toutefois l’argument un peu trop facile…
Oui la version longue de Batman v Superman est moins pire que la version cinéma du film. Mais la faute en incombe avant tout au réalisateur Zack Snyder. Le film dont le rythme est clairement mauvais et truffé d’incohérences dure déjà 2h33 ce qui nous a paru terriblement long dans la salle.
C’était avant tout au réalisateur de concevoir un film d’une durée « standard » pour ce type de long métrage et pas un film de 3 heures non ?
Pour Suicide Squad, quelles que soient les ingérences de Warner dans la version finale :
- les 3/4 des personnages ne servent absolument à rien, mais vraiment rien du tout avec un big up à Killer Croc qui en plus d’être inutile accumule des punch-lines indignes d’un ado de 12 ans (qui voudrait être cool) tout en gesticulant la tête comme une autruche
- mais surtout où sont passés le Joker et le scénario ?
On vous invite à visionner Sabotage, l’un des derniers films de David Ayer pour vous rendre compte de quoi le réalisateur est capable quand on lui donne carte blanche.
Ce film est tellement pitoyable que ça coupera court à toute forme de débat !
Dans la même lignée d’ailleurs, si Josh Trank crache à pleine bouche sur la Fox qui a « massacré son film », il faut se rendre à l’évidence : avec encore moins de scènes d’actions on se serait carrément endormis dans la salle.
Et puis franchement, il va être difficile de mettre sur le dos du studio le choix sans grand intérêt d’un Johnny Storm black, le design foireux de la Chose et le costume/pyjama du méchant/débile Dr Doom kiveutoucasser (comme Electro dans The Amazing Spider-Man 2).
Non les seules vraies critique que l’on puisse faire ici au studio Warner sont :
- de croire qu’un film de super-héros va se vendre tout seul, même s’il est raté
- de penser que faire du fan service à tout va nous plaire
- et surtout de mentir allègrement dans les titres de films et dans les bande-annonces
Car c’est au final c’est ça le vrai problème d’un Batman v Superman ou d’un Suicide Squad : on nous a menti !
On nous a vendu un film dans lequel Batman et Superman allaient se battre et le combat en lui même dure 8 minutes tout plié.
Pour Suicide Squad on nous a promis un film fun et violent (j’ai du rentrer dans la mauvaise salle) avec un Joker époustouflant que l’on voit à peine 3 minutes 30 à l’écran.
Au delà donc des multiples incohérences de scénarios ici et là, que le spectateur est d’ailleurs facilement prêt à pardonner, c’est surtout le sentiment de s’être fait arnaquer sur la marchandise qui laisse ce gout si amer en bouche.
La suite DC devrait être bien meilleure
Après le film Wonder Woman prévu pour la fin de l’année, DC aura introduit et lié entre eux une bonne douzaine de personnages et n’aura plus besoin de fourrer des références à tout va pour consolider l’univers DC en urgence.
On peut donc légitimement s’attendre à des films avec des scénarios de la même qualité de la trilogie Nolan.
De plus Batman v Superman et Suicide Squad ayant essuyé de nombreuses critiques, souvent justifiées, Warner devrait enfin trouver son équilibre entre noirceur excessive et coolitude ratée.
Nous en tous cas on y croit, mais il ne faudra pas nous décevoir une nouvelle fois !