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Crédit lombard crypto : la France ouvre la voie au gage numérique légal

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Le Code monétaire et financier vient d’intégrer un nouveau mécanisme destiné aux investisseurs en cryptomonnaies. Depuis le 30 avril 2025, les actifs numériques peuvent servir de garantie pour obtenir un crédit en euros, sans être cédés ni fiscalement imposés. Un pas décisif vers l’intégration des crypto-actifs dans la finance traditionnelle.

  • La France autorise le nantissement des crypto-actifs comme garantie légale depuis avril 2025.
  • Le crédit lombard s’adapte aux cryptomonnaies, permettant de prêter sans vendre ses actifs.
  • Des incertitudes fiscales subsistent, notamment sur la déclaration des plus-values et la possible requalification par l’administration.

Une réforme inscrite dans le Code monétaire et financier

Depuis la publication de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025, la France reconnaît officiellement le nantissement des crypto-actifs comme une forme de garantie légale. Ce dispositif est désormais encadré par l’article L. 226-5 du Code monétaire et financier, disponible sur Légifrance. Le texte prévoit :

« Le nantissement d’un actif numérique s’opère par la remise d’une déclaration signée du constituant. Cette déclaration peut être établie sous forme électronique, notamment par l’intermédiaire d’un automate exécuteur de clauses. »

Le même article précise que :

« Sauf stipulation contraire, le nantissement s’étend aux fruits et produits des actifs numériques. »

Autrement dit, un détenteur de crypto peut conserver la pleine propriété de ses actifs tout en les mettant en gage pour obtenir un financement. Ce cadre juridique marque une avancée significative en matière de reconnaissance des cryptomonnaies comme éléments du patrimoine mobilisable dans un montage de crédit.

Le crédit lombard s’adapte à l’économie numérique

Historiquement utilisé dans la gestion patrimoniale pour adosser un prêt à un portefeuille d’actions, d’obligations ou d’assurance-vie, le crédit lombard s’ouvre désormais aux cryptomonnaies. Des plateformes spécialisées comme Legasi ou des acteurs établis envisagent déjà de proposer des services adossés à ce nouveau cadre.

Ce type de montage permet de répondre à une problématique fréquente chez les investisseurs : comment obtenir des liquidités sans devoir vendre ses actifs et déclencher une imposition. Paul, investisseur long terme interrogé par BBSchool, résume l’intérêt :

« Je peux déposer 100 000 € de bitcoins et recevoir un prêt de 40 000 €. Je garde mes actifs, je garde l’exposition au marché, mais j’ai du cash en euros. »

L’innovation est saluée par les professionnels du droit. Me Arnaud Touati, avocat spécialisé, rappelle cependant que ce mécanisme reste soumis à certaines incertitudes fiscales :

« Malgré ses avantages, le crédit lombard soulève des questions fiscales. Les régulations restent floues quant à la déclaration des plus-values liées aux actifs nantis. L’approche varie selon les juridictions, nécessitant une vigilance accrue pour rester conforme. »

Touati ajoute dans une analyse publiée par Legal Brain Avocats :

« En France, le prêt garanti par des cryptos ne devrait pas être constitutif d’un fait générateur d’impôt, mais ce sujet reste soumis au débat au sein de la communauté des fiscalistes. »

Une brèche fiscale… encore incertaine

Le crédit lombard crypto s’annonce comme un outil puissant de gestion patrimoniale, notamment en phase de marché haussier, où vendre ses cryptos pour accéder à de la liquidité reviendrait à se couper de potentielles plus-values. La fiscalité française, régie par l’article 150 VH bis du Code général des impôts, impose une taxation en cas de cession à titre onéreux. Dans le cas d’un prêt garanti, aucune cession n’étant opérée, l’imposition ne s’applique pas en théorie.

Mais l’administration fiscale pourrait, à terme, requalifier certaines opérations, comme le souligne Me Touati :

« Il n’y a aucune certitude à ce stade. Nous recommandons fortement la réalisation de consultations juridiques. »

Le législateur européen s’intéresse également à cette évolution. Un régime spécifique pourrait voir le jour, inspiré du modèle du nantissement de comptes-titres sur un DEEP (Dispositif d’Enregistrement Électronique Partagé), tel qu’introduit par la loi PACTE (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019). L’objectif est de :

« Mieux encadrer ces opérations et sécuriser les droits des patrimoines tout en offrant un cadre juridique clair aux prêteurs et aux emprunteurs. »

Pour les détenteurs français de cryptoactifs, cette avancée représente une opportunité stratégique. Il devient possible de faire travailler son portefeuille tout en conservant sa position long terme. Reste à savoir combien de temps cette « neutralité fiscale » pourra durer avant que l’administration ne resserre l’encadrement.

Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.