C’est un petit tremblement de terre dans le monde feutré d’Hollywood. L’Académie des Oscars a annoncé que pour sa 98e édition, prévue le 15 mars 2026, les membres du jury seront dans l’obligation de visionner TOUS les films nommés dans une catégorie s’ils veulent pouvoir voter. Une règle simple, presque évidente, qui en dit long sur la mentalité du milieu du cinéma.
Fini les votes à l’intuition ou au copinage
Pendant des années, les Oscars ont été accusés, parfois à juste titre, de favoritisme, de snobisme ou d’injustice. Derrière les paillettes et les discours, la réalité était souvent plus floue : certains membres de l’Académie votaient pour des films qu’ils n’avaient pas vus, se fiant à la renommée d’un réalisateur, à la hype médiatique, à des campagnes promo ultra-calibrées, ou tout simplement en affirmant un penchant politique.
Résultat : des œuvres méritantes passaient sous le radar, tandis que des mastodontes déjà auréolés de succès raflaient presque toujours la mise.
Deux exemples ont marqué les esprits et illustrent à eux seuls les dérives possibles d’un vote mal informé :
- en 2006, Crash remporte l’Oscar du meilleur film face à Brokeback Mountain, pourtant largement favori et plébiscité par la critique. De nombreux votants ont depuis reconnu n’avoir pas vu tous les films en compétition ou avoir choisi “Crash” en réaction conservatrice au sujet du film d’Ang Lee. Un vote plus émotionnel que cinéphile
- en 2019, Green Book crée la surprise face à Roma et The Favourite, deux films acclamés pour leur innovation visuelle et narrative. Le choix de Green Book, au ton plus classique et rassurant, a été interprété par certains comme le reflet d’un vote fondé sur des valeurs perçues plutôt que sur une réelle évaluation artistique. Là encore, plusieurs membres ont avoué ne pas avoir regardé Roma en entier, en partie à cause de sa diffusion sur Netflix
Ces épisodes, devenus emblématiques, ont fragilisé la crédibilité de l’institution et mis en lumière un besoin urgent de rigueur dans le processus de sélection.
Une application stricte via une plateforme dédiée
Mais comment s’assurer que les votants jouent le jeu ? L’Académie a tout prévu. Tous les films seront accessibles sur l’Academy Screening Room, une plateforme de streaming privée réservée aux membres. Chaque visionnage sera tracé, vérifié, validé.
Et si un membre préfère voir un film en salle ou dans un festival, c’est possible, à condition de remplir un formulaire attestant du visionnage, avec la date, le lieu et même l’horaire. Une sorte de fiche d’émargement pour cinéphile. Ce système permettra d’écarter ceux qui s’en remettent encore au “j’ai entendu dire que c’était bien”.
Donc en résumé si vous n’avez pas vu tous les films d’une catégorie : vous ne pourrez tout simplement pas voter pour cette catégorie. Radical, mais nécessaire.
Vers des Oscars plus justes, plus modernes
Cette réforme ne tombe pas du ciel. Depuis plusieurs années, l’Académie fait face à une pression croissante pour moderniser ses règles et ses critères de sélection. Le débat autour de la diversité, des films étrangers, du streaming, ou encore de l’intelligence artificielle a forcé l’institution à se remettre en question.
Et justement, l’Académie a aussi clarifié sa position sur l’IA : les outils d’intelligence artificielle utilisés dans la réalisation d’un film ne constitueront ni un avantage ni un frein pour l’obtention d’une nomination. L’œuvre sera jugée dans son ensemble, en tenant compte de la place réelle occupée par l’humain dans le processus de création. Un message subtil mais fort à l’heure où le débat fait rage sur l’originalité des œuvres générées par des algorithmes.
Un nouvel Oscar pour saluer les directeurs de casting
Autre annonce marquante : la création d’un Oscar pour la « réalisation en casting », une première dans l’histoire de la cérémonie. Trop souvent oubliés, les directeurs de casting jouent pourtant un rôle central dans la réussite d’un film. C’est eux qui dénichent les visages, les voix, les énergies capables de donner vie aux personnages.
Grâce à ce nouveau prix, leur travail sera enfin reconnu à sa juste valeur, avec une présélection de dix films et une présentation détaillée de chaque contribution.
Une réforme qui fait du bien à l’image des Oscars
Cette décision de forcer le visionnage des films, au-delà de son aspect pratique, redonne une crédibilité bienvenue aux Oscars. Dans un paysage où la consommation culturelle est fragmentée, où les buzz sont éphémères, où les plateformes brouillent les circuits traditionnels, exiger de voir avant de juger est un acte presque militant.
Cela remet l’œuvre au centre du débat, et pas seulement son marketing.
Pour le grand public, cela pourrait aussi réconcilier certains cinéphiles avec une cérémonie parfois perçue comme élitiste ou déconnectée. En obligeant ses membres à se confronter à toutes les propositions, des plus ambitieuses aux plus audacieuses, l’Académie semble dire : chaque film compte, chaque histoire mérite d’être entendue.
Et qui sait ? Cette règle toute simple pourrait bien raviver l’esprit des Oscars, en les rapprochant à nouveau de ce qu’ils prétendent être : une célébration du cinéma dans toute sa diversité, sa richesse et sa créativité.