Loin des discours incantatoires sur la transition énergétique, l’Allemagne concrétise un virage ambitieux avec le Coradia iLint, un train régional 100 % hydrogène développé par Alstom. Ce n’est pas un prototype futuriste mais une réalité bien concrète qui circule déjà sur plusieurs lignes du pays. Avec une autonomie impressionnante, zéro émission directe et un fonctionnement silencieux, ce train cristallise les espoirs d’un transport ferroviaire propre sur les lignes non électrifiées. Et ce n’est que le début.
Le train Coradia iLint ne rejette que de la vapeur d’eau
Le Coradia iLint est le premier train de passagers au monde à fonctionner exclusivement à l’hydrogène. Son système repose sur une pile à combustible qui combine de l’hydrogène stocké à bord avec de l’oxygène pour produire de l’électricité. Résultat : pas de particules fines, pas de CO₂, mais uniquement de la vapeur d’eau rejetée. Cette technologie permet d’atteindre une autonomie allant jusqu’à 1 175 kilomètres selon les conditions d’exploitation, avec une vitesse maximale de 140 km/h. Autant dire qu’il rivalise sans rougir avec ses équivalents diesel.
Déployé initialement en Basse-Saxe, le iLint remplace progressivement les trains thermiques sur les lignes secondaires non électrifiées. Il incarne une solution intermédiaire crédible pour les pays qui peinent à électrifier intégralement leur réseau, comme l’Allemagne, où près de 40% des lignes ne sont pas encore couvertes par des caténaires électriques.
Une solution écologique mais pas sans limites
Sur le papier, le train hydrogène coche toutes les cases :
- pas de pollution atmosphérique
- un fonctionnement quasi silencieux
- une bonne autonomie et une compatibilité avec les infrastructures ferroviaires existantes.
En pratique, le déploiement du iLint n’est pas exempt de défis. Le principal frein reste la production d’hydrogène vert en quantité suffisante. Car pour que le bilan carbone soit réellement favorable, l’hydrogène doit être issu de sources renouvelables, ce qui n’est pas encore la norme aujourd’hui. Le recours à l’hydrogène gris ou bleu, produit à partir de gaz naturel, limite les bénéfices environnementaux de l’opération.
Autre limite : l’entretien et la maintenance des rames nécessitent une montée en compétences des opérateurs ferroviaires, ainsi que des infrastructures de ravitaillement adaptées. En 2024, plusieurs incidents techniques ont été rapportés en Hesse, obligeant RMV à remettre en circulation des rames diesel temporairement, le temps de fiabiliser la flotte iLint. Le projet reste donc en phase de rodage industriel.
Ce train à l’hydrogène a une autonomie record et un impact déjà mesurable
Malgré ces obstacles, les premiers résultats sont encourageants. En cinq ans de tests et de circulation commerciale, les rames Coradia iLint ont parcouru plus de 200 000 kilomètres, remplaçant des dizaines de trains diesel. Les régions qui ont adopté cette technologie, comme la Basse-Saxe ou Francfort, estiment économiser plusieurs milliers de tonnes de CO₂ par an.
En août 2022, la mise en service officielle de 14 rames sur les lignes entre Cuxhaven, Buxtehude et Bremerhaven a marqué un jalon symbolique. Le même mois, le train a réalisé un record d’autonomie avec 1 175 km parcourus sans ravitaillement entre Bremervörde et Munich.
Ces performances sont rendues possibles grâce à des stations de remplissage à hydrogène de nouvelle génération, comme celle développée par Linde à Bremervörde. Cette station alimente jusqu’à 14 trains par jour, 24 h/24. Alstom prévoit également d’exporter cette technologie vers d’autres pays européens, dont l’Italie et la France, qui testent actuellement plusieurs rames similaires sur leur réseau régional.
Hydrogène ou batterie : le match reste ouvert
La solution hydrogène n’est cependant pas la seule piste explorée pour remplacer le diesel. Plusieurs Länder allemands, comme le Bade-Wurtemberg, privilégient désormais des trains à batteries électriques, jugés plus simples à entretenir et moins coûteux à déployer. Ces modèles se rechargent directement sur des caténaires partiels ou en station et sont bien adaptés à des trajets courts ou moyens.
Le choix entre hydrogène et batterie dépend en grande partie du relief, de la distance entre les gares et des capacités de production d’énergie locale. Mais une chose est sûre : le diesel vit ses dernières années sur les rails allemands.
L’initiative allemande avec le Coradia iLint marque une étape cruciale dans la décarbonation du transport ferroviaire. Elle montre qu’il est possible de conjuguer innovation industrielle, transition énergétique et performance technique. L’expérience servira de laboratoire pour les autres pays européens, qui scrutent attentivement les résultats allemands. Si l’hydrogène parvient à s’imposer à grande échelle, c’est une partie de l’avenir du transport régional qui s’écrira sans pétrole et sans caténaire.