Le dernier film de Mel Gibson en tant que réalisateur remonte à Apocalypto en 2006. 10 ans pendant lesquels l’interprète de Mad Max et Martin Riggs a fait sa traversée du désert, enchainant scandales, divorce et autres cures de désintoxications pour son alcoolisme chronique. Pourtant il est bien de retour derrière la caméra. Il nous raconte l’histoire vraie d’un objecteur de conscience qui refuse de porter une arme à la guerre.
Qui d’autre que Mel Gibson pouvait en faire un film aussi puissant ?
Tu ne tueras point : la bande annonce
Mel Gibson est avant tout un acteur. C’est sans doute pour cela qu’il sait parfaitement s’entourer. Andrew Garfield (The Amazing Spiderman), avec son physique d’éternel adolescent, interprète Desmond Doss, jeune croyant refusant de toucher une arme. A lui seul, il porte tout le film avec la force de son regard mélangeant avec justesse, incompréhension et volonté inébranlable.
De même Hugo Weaving, acteur culte des Wachowsky parvient à nous toucher comme peu d’acteurs peuvent le faire avec un rôle de père alcoolique et violent. Vince Vaughn aussi a bien raison de délaisser les comédies pathétiques et s’orienter un peu plus vers les drames car il en a bien la carrure.
Sam Worthington est aussi à signaler, comme à chaque fois qu’il est bien dirigé. C’est à dire pas souvent depuis Avatar.
Un film de guerre en résonance avec son genre
Bizarrement Tu ne tueras point fait penser à beaucoup de films de guerre vus ces 20 dernières années. Full Metal Jacket ou Starship Troopers (et oui ! ), Il faut sauver le soldat Ryan ou encore La ligne rouge. Que ce soit sur certains aspects visuels ou narratifs, le film de Mel Gibson réussit à citer ces références sans être une compilation de copier-coller. Car les points communs des ces films sont surtout leurs caractères critiques face à la guerre et les grands cinéastes qui les ont réalisés.
Mais outre les références, Mel Gibson est avant tout un cinéaste qui continue a explorer ses thématiques personnelles.
Un soldat croyant mais un héros avant tout
Le personnage principal est un homme de foi convaincu et qui ne remettra jamais en doute celle-ci. Il ne faut pas voir ce film comme une critique sur l’engagement religieux mais bien sur un homme considéré comme différent et qui va trouver sa place. Le film n’est pas prosélyte comme certains critiques le répètent. Le personnage n’essaie jamais de convertir les autres à sa foi, mais juste qu’on la respecte.
Cette nuance fait pencher le film du côté de l’humanisme plutôt que du dogmatisme religieux. Même la communauté chrétienne n’est pas vraiment le public visé par ce film, comme peut le montrer la critique du journal La Croix.
Les symboles religieux sont nombreux dans le film. Ce qui est totalement logique puisque nous suivons le point de vue d’un personnage habité par la foi.
Tout film de guerre est souvent considéré comme patriotique suivant le camp dans lequel l’histoire se déroule. Encore une fois, on peut penser cela du film de Mel Gibson, mais ce n’est pas aussi simple. Desmond Doss ne veut pas protéger son pays mais sauver la vie de ceux qui vont se battre pour le protéger.
Il n’a pas choisit le camp de l’Amérique plus que le camp de la vie. Ce qui le poussera à être un héros sans arme, mais un héros tout de même.
C’est dans la la plus pure tradition du mythe du héros que d’affronter des obstacles, douter de lui même, pour au final, renaître aux yeux de ces semblables par les actions héroïques qu’il a accomplies. Ainsi, des films comme Matrix ou le Seigneur des Anneaux sont des films religieux car pouvant ressembler à des mythes religieux.
Mel Gibson et la violence sans concession
Si vous avez été choqué par la scène du débarquement de Il faut sauver le soldat Ryan, alors ce film n’est pas fait pour vous. Effectivement, les batailles sont d’une violence inouïe. On nous y montre les horreurs de la guerre comme sans doute aucun film ne l’a fait jusqu’ici. Mel Gibson, pour La passion du Christ, a été critiqué à juste titre, sur son esthétisme de la violence. Cela se justifiait notamment à cause du ralenti qui a tendance à magnifier les gestes.
Ici, le ralenti est parfois utilisé mais donne surtout une sensation de fatalité inexorable. Les soldats courent vers une mort certaine et la dilatation du temps n’y fera rien. La barbarie guerrière nous explose au visage véritablement comme un pamphlet antimilitariste. Les actions de Desmond Doss en apparaissent dérisoires et inutiles. Cela sera d’ailleurs le moment de sa remise en question concernant sa place sur le front, avant qu’il ne comprenne vraiment pourquoi il est là et ce qu’il doit faire.
Le film soulève également un élément complètement oublié du grand public concernant les conditions sur un champ de bataille. Au cinéma quand un soldat est touché, il meurt ou il est blessé mais reste conscient. Alors que ce film nous montre le nombre incroyable de soldats blessés et abandonnés, agonisant pendant des heures voir des jours avant de succomber.
L’histoire d’un véritable super héros
Hasard du calendrier, ce mois de novembre propose trois histoires vraies de trois héros de l’histoire contemporaine. Avec Snowden d’Oliver Stone, nous avons un jeune homme qui révèle les actions liberticides de son pays. Il doit justement fuir ce dernier car considéré comme un traitre.
Dans quelques jours, nous aurons Sully de Clint Eastwood. L’histoire du pilote qui amerri sur l’Hudson River avec son avion plein de passagers. La fin d’année est souvent la période cruciale pour ce genre de film pouvant concourir aux Oscars.
Mais dans cette période de surproduction de Super Héros imaginaires, on peut aussi le voir comme une volonté de montrer au public que des héros ordinaires existent et que chacun peut en devenir un s’il a foi en lui.
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L'avis de La rédaction
Tu ne tueras point
- 09 novembre 2016 (2h19)
- Titre original Hacksaw Ridge
- De Mel Gibson
- Avec Andrew Garfield, Mikael Koski, Teresa Palmer, Sam Worthington, Ryan Corr, Robert Morgan, Richard Roxburgh, Richard Pyros, Rachel Griffiths, Ori Pfeffer
Avec Tu ne tueras point, Mel Gibson signe un fantastique retour à la réalisation en mettant en scène un film de guerre épique, galvanisant et très émouvant.
En dressant le portrait de l'objecteur de conscience Desmond Doss, Mel Gibson signe un film brillant sur la foi. En mettant à l'épreuve son personnage sur sa foi chrétienne, Mel Gibson réalise un film vibrant et émouvant notamment dans sa première partie.
Les scènes de guerres sont d'une maestria extraordinaire. Fidèle à ses thèmes violents, Mel Gibson met en scène la guerre comme une véritable boucherie, et multiplie les effets gores.
On pourrait croire que ces scènes soient vaines. Il n'en n'est rien, car Mel Gibson garde toujours le point de vue sur son personnage qui veut à tout prix sauver des vies sur le front. Le film devient alors galvanisant. L'un des plus beaux films de l'année 2016.