Critique High Life : Robert Pattinson perdu dans l’espace

  • Par Antoine Rousseau
  • Publié le 12 octobre 2018 à 19:09, modifié le 18 avril 2022 à 15:32

Il est de certains films qui suscitent la curiosité alors même que ces derniers n’en sont qu’à leur état embryonnaire. High Life, de Claire Denis fait définitivement partie de ceux-là. On avait été particulièrement intrigués et hypés à l’annonce du projet en juin 2015 à la fois pour son casting éclectique (Robert Pattinson, Juliette Binoche et André (3000) Benjamin) mais également pour son pitch aussi excitant que mystérieux :

L’histoire d’un groupe de criminels envoyés dans l’espace pour une mission suicide dont l’objectif est de trouver des sources d’énergie alternatives, et de prendre part à des expériences de reproduction…

Critique High Life : Robert Pattinson perdu dans l’espace

Si on s’attendait à retrouver le film en sélection à Cannes en mai dernier, c’est finalement au festival de Toronto que la dernière œuvre de Claire Denis a été dévoilée à la rentrée. Le film aurait alors choqué pas mal de festivaliers, provoquant même évanouissements et vomissements chez certains spectateurs.

Alors après visionnage, qu’en est-il vraiment ?

Dans l’espace, personne ne vous entend crier

Tout d’abord, il conviendra de ne pas trop dévoiler la trame du film au-delà des quelques lignes précédemment citées. High Life est le type d’oeuvre qui se vit, encore plus qu’elle ne se regarde. Le long prologue qui ouvre le film donne le ton :  une musique lancinante, des couloirs tristes et sales d’un complexe à l’abandon (qu’on découvre avec effroi être un vaisseau).

Puis, un cri vient déchirer le silence angoissant de ces premières secondes : un bébé pleurant à chaudes larmes dans une installation rudimentaire érigée en parc pour enfant. L’image fascine, à la fois perturbante et saisissante. On se doute alors que ce qui va suivre risque de nous déstabiliser et bousculer nos repères…

Critique High Life : Robert Pattinson perdu dans l’espace #2

La suite nous donnera raison quelques minutes plus tard quand le personnage principal se lancera dans une explication toute personnelle du mot  »TABOU » à son enfant. Le programme est alors annoncé : High life se servira de son effrayant pitch à la Black Mirror et de son véhicule science-fictionnel pour explorer certains tabous du genre humain.

Critique High Life : Robert Pattinson perdu dans l’espace #3

Comment cette odyssée, sans finalité autre que celle de se débarrasser des rebuts de la société, ne pourrait-elle pas faire autrement que de dégénérer ? Car dans High Life, le salut d’un possible retour sur Terre ne sera jamais envisagé. Un principe qui permet à la réalisatrice de passer à la loupe une galerie de personnages à qui on a retiré tout but existentiel.

Excepté Monte, interprété par Pattinson, autour duquel s’articule toute la narration, aucun des autres protagonistes ne sera défini par autre chose que ses instincts sexuels, comme si cette caractéristique était tout ce qui restait de notre humanité quand tout ce qui faisait sens à l’existence avait volé en éclats. C’est ce qu’incarne à la perfection Juliette Binoche, terrorisante en scientifique / sorcière obsédée par l’idée de reproduction dans l’espace.

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High Life : un space-trip désespéré

Si bon nombre de personnages traversent le film de manière fantomatique, c’est surtout le parcours de Monte (Robert Pattinson) qui sera mis au centre du dispositif narratif. On suit comme hypnotisés le quotidien solitaire et mortifère du personnage dont le seul but semble la survie sans que cette dernière ait un véritable sens. On croirait voir une version désespérée de Seul Sur Mars.

Avec ce rôle, l’acteur livre une performance impeccable de bout en bout, toute en introspection, traînant son regard résigné et son mal-être dans la carcasse du vaisseau.

C’est la grande force de High Life : instaurer une atmosphère d’étiolement de la première à la dernière seconde. C’est bien simple, ici tout suinte la déliquescence : à commencer par ce vaisseau, sorte de cercueil volant tout en décrépitude. Une ambiance renforcée par le travail incroyable apporté à la photographie oscillant entre un bleu menaçant pour les scènes nocturnes et un orange blafard.

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Cependant, le caractère nihiliste de l’œuvre n’empêche pas Claire Denis d’opérer plusieurs parenthèses lyriques, dont un final aux accents métaphysiques qui lorgne un peu (trop ?) du côté de 2001, l’Odyssée de l’espace.

Nul doute que chacun ira de sa propre interprétation quant à cette dernière scène. Nous, on choisit d’y voir une lueur d’espoir (mais c’est parce qu’on a encore foi en l’humanité).

Critique High Life : Robert Pattinson perdu dans l’espace #6

High Life sortira en salles le 7 novembre prochain, et comme vous l’avez compris le film est loin d’être mauvais comme le laissaient supposer les premières critiques.
Mais bon vous commencez à connaitre la chanson : ne jamais croire sur parole les journalistes bien pensants et les haters…

Bande Annonce High Life

Avis de la rédaction sur High Life   4 / 5