Critique Dumbo : Tim Burton (re)prend son envol

  • Par Antoine Rousseau
  • Publié le 25 mars 2019 à 18:31, modifié le 18 avril 2022 à 13:15

Après un Big Eyes ignoré par à peu près tout le monde et un Miss Peregrine et les enfants particuliers sympathique mais très impersonnel, Tim Burton revient aux manettes d’un film commandé directement par Disney pour compléter la liste des grands classiques de l’animation adaptés en « live action » ces dernières années : Dumbo.

Autant dire que le projet en a fait sourciller plus d’un, surtout lorsqu’on se souvient avec douleur de la précédente tentative d’adaptation du cinéaste en collaboration avec le studio : l’atroce Alice aux Pays des Merveilles

Autant dire que ce long métrage représente un véritable enjeu dans la carrière de Burton. Alors, pari réussi ou preuve du déclin d’un ex-génie du cinéma ?

Critique Dumbo : Tim Burton (re)prend son envol

Dumbo : un éléphant, ça trompe énormément

Si on peut reconnaître une qualité à ce Dumbo 2019, c’est son effort pour proposer une réinterprétation du classique de 1941. Un choix qui s’explique en premier lieu par la nature même du matériau de base à savoir le dessin animé le plus court des studios Disney (64 min), ainsi qu’une quasi absence de personnages humains et de véritable « méchant ». Donc typiquement pas le genre de film facilement transposable tel quel…

Par ailleurs, comment adapter le classique Disney le plus « simple » graphiquement, alors que c’est justement de cette simplicité du dessin que découlait l’émotion et l’empathie pour les personnages ? À cela, Tim Burton fait le très bon choix de répondre par une démarche diamétralement opposée, à savoir un univers riche en détails, en textures, en costumes, en décors… C’est simple, Dumbo 2019 est un régal pour les yeux à tel point qu’on se prend à rêver de pouvoir déambuler dans ce cirque itinérant ou dans le parc d’attractions où se déroule la seconde moitié du film.

Un univers graphique très réussi

Comme à son habitude, Burton a soigneusement évité au maximum l’utilisation d’écrans verts pour filmer ces décors et nul doute que ce choix artistique participe à donner une identité propre au film.

Critique Dumbo : Tim Burton (re)prend son envol #2

Et si on pouvait craindre que l’univers si artisanal et authentique de Burton se marie mal avec l’ère numérique (comme c’était le cas dans Alice), c’est tout l’inverse qui se produit ici. Magie du cinéma et de ses artisans, l’éléphanteau est le personnage en CGI le plus réussi que vous aurez vu depuis longtemps. On passera donc sous silence le traitement réservé aux autres animaux (mon dieu, ces souris ! ), tant le pari de faire vivre le personnage de Dumbo « en live » est gagné.

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Un film à l’ADN 100% Tim Burton

Aussi techniquement et esthétiquement abouti qu’il soit, Dumbo l’est tout autant dans les thématiques qu’il développe. Evidemment, cette histoire d’éléphant moqué pour sa différence physique avait tout pour plaire au réalisateur d’Edward aux mains d’argent. Et s’il est bien sûr question de marginalité et de comment trouver sa place dans un monde qui ne nous ressemble pas, l’idée qui intéresse le plus Burton est ailleurs.

Critique Dumbo : Tim Burton (re)prend son envol #4

Difficile de ne pas voir dans le personnage incarné par Danny DeVito, le réalisateur lui-même : un artiste dont l’univers si particulier a autrefois fasciné les foules, jusqu’à être peu à peu délaissé par le public. Viendra la proposition d’un riche homme d’affaires de rejoindre son entreprise du spectacle et du divertissement dans le but de capitaliser auprès d’un large public sur un numéro unique et étrange.

Un conte dont les personnages humains ne sont que des figurants

On ne peut s’empêcher de trouver l’histoire un peu simple, et les nombreux personnages humains assez superficiels. On ne s’attache pas vraiment à Holt Farrier (Colin Farell revenant diminué du front) ou à Colette Marchant (personnage à deux visages) et les 2 directeurs de cirques campés par Danny de Vito et Michael Keaton ne sont finalement là que pour donner un cadre à l’intrigue.

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Tous ces personnages laissent rapidement la place aux 2 orphelins Holt et au petit Éléphanteau malmené, comme pour aller à l’essentiel.

Un pied de nez (d’éléphant) à Disney

La mise en abyme des rapports amour/haine de Burton avec les studios est évidente : au fil des années, l’univers si particulier du réalisateur aura été ingéré à outrance par les studios via des films opulents lui offrant une grande visibilité et des moyens financiers indécents tout en lui retirant petit à petit toute l’authenticité qui lui était propre.

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Sans aller jusqu’à parler de subversion, ce pied de nez honnête reste assez rare et assez audacieux pour être souligné, surtout pour un blockbuster Disney en 2019. Burton ne renie absolument pas le caractère très consensuel de son film mais joue avec de façon à gripper les rouages d’une machine un peu trop bien huilée.

Cela fini de conférer à ce Dumbo une place particulière dans la filmographie de son réalisateur. Une œuvre majeure ? Peut-être pas ! Un très bon film cohérent et sincère ? Sans nul doute !

Dumbo sort en salles le mercredi 27 mars.

Bande annonce Dumbo

Affiche Dumbo

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Avis de la rédaction sur Dumbo   4 / 5