Face à une crise sanitaire qui n’en finit pas, l’heure serait-elle à la nostalgie ? Le succès du deuxième album de Dua Lipa, sorti au plus fort de la pandémie, semble en témoigner. Intitulé Future Nostalgia, l’album qui vient de récolter six nominations aux Grammy Awards a trouvé son public grâce à une esthétique pop et disco inspirée des années 80.
La référence à ces années de liberté regrettée ne s’arrête pas au style musical. Disponible en streaming, l’album a aussi été mis en vente sous la forme de CD, de vinyles et même de cassettes colorées. Dua Lipa n’est pas la seule à avoir recours à cette esthétique vintage, qui touche maintenant tous les aspects de la consommation depuis plusieurs années, au point de représenter un vaste marché.
Pour la seule mode, celui-ci était estimé en 2019 à plus d’un milliard d’euros en France. Lunettes vintage Vinyl Factory, essor des friperies, retour de la Fiat 500, Polaroïds et autres appareils photos jetables, le vintage semble omni présent. De la musique au design, de la mode à l’automobile en passant par les séries, de quoi cette installation durable du vintage dans nos existences est-elle le nom ?
Vintage : à la recherche d’une époque révolue
Le vintage s’est imposé dans tous les aspects de notre existence, à grand renfort de publicité jouant sur les codes esthétiques d’une époque disparue, emportée par les vagues de la révolution digitale. L’Académie française rappelle que ce terme anglais vient de l’ancien français « vinetier », qui signifie vigneron. Il désignerait alors un objet qui aurait pris de la valeur avec le temps…
Cette esthétique du vintage renvoie donc d’abord à une époque passée, que l’on identifierait aujourd’hui comme porteuse de valeurs positives. Cette époque est identifiée, et désigne la période de la modernité récente, des années cinquante au milieu des années 1990.
Le succès de séries télévisées comme Mad Men, qui fait revivre l’insouciance des années 1960, ou Stranger Things, qui nous offre une plongée dans les années 1980, témoigne de cette nostalgie. Mais la force du vintage est de ne pas se limiter au regret.
Nombreux sont ceux qui n’ont pas vécu ces années mais qui en apprécient et recherchent l’esthétique. L’anthropologue David Berliner évoque le concept d’exonostalgie : une nostalgie de seconde main qui serait transmise par le biais de récits et non par l’expérience vécue.
A ce titre, le vintage est peut-être résolument actuel : seules notre époque et ses techniques médiatiques pouvaient offrir les conditions de ce voyage dans le temps.
Les plus jeunes générations n’y échappent pas : la nostalgie pour des années pas toujours vécues explique le succès du groupe VideoClub, fondé en 2018 par Adèle Castillon et Matthieu Reynaud, qui avaient 17 ans à l’époque. Le côté rétro et l’influence des années 80 sont au cœur de l’esthétique du duo.
Vinyl Factory : des lunettes vintage pour mieux regarder vers demain
Mais pourquoi notre époque est-elle tant encline à la nostalgie ? Frédéric Godart, auteur de Sociologie de la mode, estime que celle-ci « permet de faire face à une complexité croissante du monde ». Les valeurs projetées sur le vintage permettraient aux consommateurs de faire face aux enjeux d’une société devenue liquide, pour reprendre le titre de l’ouvrage du sociologue Zygmunt Bauman.
Notre société serait fondée sur la mobilité, la vitesse et leur corollaire, la flexibilité et l’éphémère. Le vintage incarnerait des valeurs à rebours de cette société liquide, comme la durabilité ou la solidité. Les objets des années cinquante à quatre-vingt incarneraient cette permanence, ce caractère qui perdure quand tout change autour de soi.
La collection des lunettes Vinyl Factory s’inscrit dans cette tendance et contribue à la populariser en proposant des montures inspirées des années 50 à 70. La marque, qui associe passion pour la musique et expertise opticienne, incarne les valeurs de solidité et de durabilité associées au vintage grâce à des matériaux premium.
Une tendance résolument optimiste
Si le vintage tire sa force de la nostalgie, il n’est pas pour autant un passéisme et pourrait même, au-delà d’une simple mode de consommation, apporter des réponses à des problématiques bien actuelles. C’est la thèse défendue par Karen Pouliquen et Nathalie Dolivo, dans le livre Retro-Cool : comment le vintage peut sauver le monde ? (2018).
Le vintage vise à sortir de la consommation intensive et invite à revenir à des usages plus écologiques. Dans la mode par exemple, le vintage aurait un rôle déterminant à jouer au sein d’un secteur particulièrement polluant.
D’après les auteures, 40% des millenials auraient acheté du vintage dans l’année précédant la sortie de l’ouvrage. Loin d’un simple regard nostalgique sur une époque regrettée, le vintage serait une solution pour rendre à la mode « une fonction identitaire qu’elle avait pu perdre ». En associant des musiciens de premier plan à ses montures de lunettes iconiques et revisitées, Vinyl Factory s’inscrit dans une consommation durable faisant appel à l’identification à une communauté et à un imaginaire qui transcendent les époques.
A rebours d’une nostalgie pure qui viendrait idéaliser une époque fantasmée, le vintage s’affirme comme une tendance intrinsèquement actuelle. C’est l’exemple d’Ikea qui pour célébrer ses 75 ans avait choisi de rééditer des meubles des années 50 à 90, en s’appuyant sur le slogan « regarder en arrière pour mieux célébrer le futur ».
Le vintage apparait alors comme un processus optimiste de cristallisation, qui aspire à tirer le meilleur d’une époque pour changer le quotidien. Le titre Future Nostalgia de Dua Lipa peut s’entendre ainsi, qui commence par ces mots : « You want a timeless song, I wanna change the game ».