La fast-fashion est un business à plusieurs milliards, et pour Shein, sa défense passe désormais par les réseaux sociaux, les influenceurs… et des bots. En pleine polémique sur son impact environnemental et social, le géant chinois est au cœur d’une stratégie de communication numérique d’une ampleur inédite et pas vraiment éthique.
Shein lance une campagne d’influence marketing pour se défendre
À l’origine, tout part d’une vidéo ou plutôt d’une série de vidéos. En mai, Shein a lancé une vaste campagne digitale portée par plusieurs influenceurs français, dont Magali Berdah, figure incontournable du milieu. Objectif : contrer la loi sur l’empreinte environnementale du textile, actuellement en discussion au Parlement. Dans ces vidéos, la marque dénonce une politique jugée élitiste et défend son modèle en arguant que « la mode est un droit, pas un privilège ».
Le message est clair : opposer écologie à pouvoir d’achat. Et la mise en scène est parfaitement maîtrisée. Mais derrière cette façade de spontanéité, un autre phénomène a attiré l’attention.
Des vidéos un peu trop commentées pour que ce soit crédible
Sous ces publications, des internautes ont remarqué un flot de commentaires étonnamment similaires, publiés à quelques secondes d’intervalle, tous vantant les mêmes arguments pro-Shein. L’autrice engagée Céline Séris, connue pour son blog éthique Iznowgood, a mis en lumière ces anomalies.
En enquêtant plus avant, France 2 et l’émission L’Œil du 20h ont identifié une réalité plus troublante encore : des milliers de commentaires générés par des comptes artificiels.
Tous ces profils présentent des caractéristiques similaires :
- création récente (juillet 2024)
- photos de profil générées par IA
- aucune activité réelle
- et surtout, des contenus copiés-collés.
Le cabinet Bloom, spécialisé dans l’analyse des données numériques, a détecté plus de 2 000 comptes fantômes, responsables d’au moins 31 000 interactions favorables à Shein (likes, commentaires, partages).
Il est probable que ces milliers de profils aient été générés par intelligence artificielle dans le cadre d’une opération de communication automatisée visant à créer une illusion d’adhésion populaire. L’usage de bots pour manipuler l’opinion publique n’est pas nouveau, des campagnes politiques aux polémiques sanitaires, mais leur utilisation dans un conflit sur l’éthique environnementale du textile si.
Interrogé sur cette découverte, Quentin Ruffat, porte-parole de Shein France, affirme n’avoir « aucune connaissance » de ces agissements et promet de « creuser le sujet ». Après une enquête interne, la marque a finalement nié toute implication, dénonçant au contraire une « manœuvre cynique » orchestrée, selon elle, par ses opposants « visant à étouffer les voix authentiques ». Ben voyons !
Cette campagne maladroite fait d’autant plus tache que Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, est entré au sein du comité stratégique européen de Shein en décembre 2024 en tant que conseiller en responsabilité sociale et environnementale (RSE). D’autres figures politiques, comme Nicole Guedj (ancienne secrétaire d’État) ou Günther Oettinger (ex-commissaire européen), siègent également dans ce comité…
A quand une régulation ?
Cette affaire relance le débat sur la nécessité de mieux encadrer l’usage des faux comptes et des contenus générés par IA sur les plateformes sociales. Car si Shein n’est pas le seul acteur à recourir à ces stratégies, l’ampleur du phénomène montre qu’il devient urgent de mettre en place des garde-fous réglementaires, tant au niveau européen qu’international. Bien évidemment une régulation ne permettra pas d’endiguer la désinformation, mais elle permettra en revanche de poursuivre certains acteurs qui utilisent cette arme sans se cacher.
