Depuis sa sortie sur Amazon Prime Video, Roofman cartonne dans le classement des contenus les plus visionnés en streaming. Le film avec Channing Tatum promet une histoire vraie aussi incroyable qu’improbable : cambriolages en série, évasion de prison et cavale invisible dans un magasin de jouets. Mais jusqu’où l’histoire réelle a-t-elle été transformée pour les besoins du cinéma ?
L’histoire vraie de Jeffrey Manchester, le vrai « Roofman »
Le personnage de Roofman s’inspire directement de Jeffrey Manchester, un ancien réserviste américain devenu célèbre dans les années 1990 pour ses cambriolages de McDonald’s. Son mode opératoire était aussi simple qu’obsessionnel : entrer par le toit, éviter les alarmes, repartir sans violence.
Après son arrestation, Manchester est parvenu à s’évader du centre de détention où il était retenu. C’est là que l’histoire a basculé dans l’absurde : pendant plusieurs mois, il a vécu caché dans des espaces techniques, notamment dans le faux plafond d’un magasin Toys “R” Us, dormant le jour et se nourrissant la nuit.
Seulement il n’y a rien de glamour dans cette histoire : les dossiers judiciaires dressent le portrait d’un homme en rupture totale avec la société, loin de l’image du criminel ingénieux que pourrait suggérer le film.
Channing Tatum transforme un criminel en antihéros charismatique
Le choix de Channing Tatum change immédiatement la perception du personnage. Le solitaire instable devient un antihéros attachant, parfois maladroit mais toujours sympathique. Cette starisation neutralise ce qui rendait l’histoire originale si dérangeante.
Le film ne questionne d’ailleurs jamais ce glissement, il l’assume pleinement, transformant une dérive mentale en parcours dramatique structuré. Les zones floues de la réalité disparaissent au profit d’un récit fluide et accessible.
Des cambriolages transformés en scènes de suspense
Dans Roofman, chaque vol devient une scène de genre rythmée et efficace. La répétition obsessionnelle qui caractérisait Manchester ? Presque absente. Les longues phases de préparation ? Compressées.
Le film privilégie le suspense visuel à la fidélité psychologique. Là où la réalité décrivait une spirale d’enfermement, la fiction propose un jeu du chat et de la souris bien balisé. Le spectacle prend le pas sur l’inconfort.
L’arrestation réelle de Jeffrey Manchester fut d’ailleurs progressive, administrative et sans climax spectaculaire. Roofman choisit une résolution plus nette, plus émotionnelle, pensée pour offrir une vraie fermeture narrative.
Le film refuse l’absurdité du réel pour lui substituer une trajectoire achevée. Une décision compréhensible sur le plan dramatique, mais qui modifie profondément la portée du fait divers.
Un film « inspiré d’une histoire vraie » efficace mais édulcoré
Donc oui, Roofman ne ment pas sur son origine, mais il en propose une version très largement remodelée. La solitude devient romanesque, l’obsession devient astuce, la marginalité devient singularité.
Le film utilise l’histoire de Jeffrey Manchester comme un matériau narratif, pas comme un sujet à interroger, une approche qui correspond parfaitement aux standards du cinéma de plateforme, où l’efficacité prime sur l’ambiguïté.
Au final Roofman se regarde facilement, porté par un casting solide et une mise en scène efficace. Mais derrière son vernis de « film inspiré de faits réels », il raconte avant tout une histoire réécrite, débarrassée de ce qui la rendait réellement troublante.
Quant au vrai Roofman, arrêté en 2000, il purge plusieurs peines fédérales cumulées. Compte tenu de la gravité des chefs d’accusation retenus contre lui, notamment son évasion, les experts estiment qu’il ne devrait pas recouvrer la liberté avant la fin des années 2030, voire au-delà de 2040…
