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1/3 de la population mondiale reste encore privé d'Internet en 2025

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Malgré les ambitions affichées par les grandes organisations internationales, l’accès universel à Internet reste encore hors de portée pour plus de 2,6 milliards de personnes en 2025. Les zones rurales sont en première ligne de cette inégalité numérique.

À l’heure où l’intelligence artificielle s’impose dans nos usages, où les services publics se digitalisent à marche forcée et où l’économie repose plus que jamais sur la connectivité, un chiffre interpelle : un tiers de l’humanité reste exclu d’Internet. Loin d’être anecdotique, cette donnée cache une fracture technologique majeure, essentiellement territoriale. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), les zones rurales concentrent plus des deux tiers des individus non connectés. Une réalité qui freine non seulement le développement économique local, mais aussi l’accès aux droits fondamentaux dans de nombreux pays.

Une fracture numérique massive malgré les progrès

Entre 2015 et 2024, le taux de connexion à Internet est passé de 43 % à près de 68 % à l’échelle mondiale. Une progression rapide mais inégalitaire. En 2024, 83 % des urbains accédaient au réseau, contre à peine 48 % dans les zones rurales. L’écart est encore plus marqué dans les pays à faible revenu, où seulement 27 % de la population est connectée, contre 93 % dans les pays à revenu élevé.

Ces chiffres traduisent une géographie mondiale de la déconnexion, dans laquelle l’Afrique subsaharienne, certaines régions d’Asie du Sud-Est et les zones montagneuses ou désertiques figurent parmi les plus mal desservies. L’exemple du Niger est éloquent : seulement 14 % de sa population est connectée, contre 99 % en Corée du Sud.

1/3 de la population mondiale reste encore privé d’Internet en 2025

Les causes multiples d’un accès restreint

La persistance de cette fracture numérique dans les campagnes s’explique par une combinaison de facteurs économiques, techniques et socioculturels. Le premier obstacle reste le coût élevé du déploiement des infrastructures dans des zones peu denses. Fournir de la fibre ou de la 4G à quelques dizaines de foyers éparpillés représente un investissement difficilement rentable pour les opérateurs. Dans certains cas, il faut compter plus de 10 000 euros par kilomètre de fibre, sans garantie de retour sur investissement.

À cela s’ajoute le coût des abonnements. Dans les pays à faible revenu, un forfait mobile basique peut représenter jusqu’à 9% du revenu mensuel moyen, contre moins de 1% dans les pays riches.

D’autres freins sont plus invisibles mais tout aussi importants : manque de compétences numériques, illettrisme, ou encore absence de contenu pertinent dans les langues locales. Une étude menée par Mozilla en 2023 soulignait que 90 % du contenu web est produit dans seulement 10 langues.

Des conséquences bien concrètes sur la vie quotidienne

Être privé d’Internet en 2025, ce n’est pas seulement ne pas pouvoir regarder Netflix ou utiliser WhatsApp. C’est être exclu des services essentiels, du téléenseignement à la télémédecine, en passant par l’administration en ligne, les aides sociales ou encore les opportunités d’emploi. Dans certains pays, les candidatures à un poste ou les déclarations fiscales se font uniquement en ligne, rendant la fracture numérique encore plus problématique.

Le fossé numérique engendre aussi une fracture sociale. Les jeunes des zones rurales peinent à rivaliser avec leurs pairs urbains dans les concours et examens qui nécessitent une maîtrise de l’outil numérique. Quant aux agriculteurs, ils sont les grands perdants de l’agriculture connectée, qui nécessite un accès stable aux données météorologiques, aux cours des matières premières, et aux services de conseil en ligne.

Des initiatives encore insuffisantes

Certaines initiatives tentent de combler cette fracture. Des programmes comme Starlink (SpaceX) ou Project Taara (Alphabet) visent à fournir une couverture Internet par satellite ou laser dans les zones isolées. En Afrique subsaharienne, des réseaux communautaires soutenus par des ONG permettent un accès partagé à bas coût. En Europe, la Commission européenne a fixé l’objectif du “gigabit pour tous” d’ici 2030, avec des financements ciblés pour les zones blanches.

Mais ces efforts restent encore trop dispersés. Ils ne suffisent pas à répondre à la complexité du problème. Fournir une connexion ne suffit pas : il faut aussi former les populations, adapter les contenus et assurer la maintenance des équipements déployés.

Les Objectifs de développement durable des Nations unies fixent une cible ambitieuse : l’accès universel à Internet d’ici 2030. Mais selon une étude récente, atteindre cet objectif nécessiterait 418 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures et la formation.

La fracture numérique est devenue la nouvelle ligne de front des inégalités mondiales. Ne pas la réduire, c’est prendre le risque d’exclure durablement des milliards de citoyens des dynamiques économiques, sociales et culturelles du XXIe siècle. Dans un monde où tout devient connecté, ne pas l’être, c’est être laissé pour compte.

Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.