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Chat Control : l'UE veut scanner tous vos messages WhatsApp, Telegram, Twitter, iMessage, etc.

Entre la garde à vue du fondateur de Telegram, le blocage administratif de sites pornographiques, et la relance du règlement « Chat Control », les signes s’accumulent : un nouveau modèle de surveillance numérique est en train de se mettre en place, loin des radars du grand public.

  • Les autorités européennes veulent scanner tous les messages privés sur les messageries et réseaux sociaux.
  • Le projet « Chat Control » pose des risques pour la vie privée et la liberté, malgré la lutte contre la pédocriminalité.
  • La France bloque aussi des sites pornographiques sans jugement, renforçant le contrôle en ligne.

La garde à vue de Pavel Dourov annonçait la couleur

Rappelez-vous, le 24 aout 2024, Pavel Dourov, fondateur de l’application Telegram, a été brièvement placé en garde à vue à Paris au motif qu’il refusait de coopérer dans plusieurs enquêtes sur des groupes violents ou pédocriminels hébergés sur la plateforme.

Officiellement, il s’agissait d’un « échange musclé », vite clos, mais l’affaire est tout sauf anodine : jamais jusqu’ici un dirigeant d’application de messagerie n’avait été retenu aussi directement par un État européen, et ce n’est pas un hasard si Telegram est dans le viseur.

L’application russe est l’une des rares à offrir un accès sans numéro de téléphone et un chiffrement optionnel. Elle est aussi régulièrement accusée de servir de refuge aux contenus extrêmes… mais elle résiste aux demandes d’accès systématiques. La garde à vue de son fondateur sonnait comme un avertissement indirect : les plateformes qui refuseront de collaborer avec les États pourraient désormais se retrouver dans la ligne de mire judiciaire.

Chat Control : un projet européen qui veut scanner tous les messages de tous les utilisateurs tout le temps

Le règlement CSAR (Child Sexual Abuse Regulation) surnommé « Chat Control » est un projet qui a pour intention de lutter contre la pédocriminalité. Ce texte entend scanner automatiquement tous les messages privés, sur toutes les plateformes (WhatsApp, Signal, Telegram, iMessage, etc.), avant qu’ils ne soient chiffrés.

Chat Control : l’UE veut scanner tous vos messages WhatsApp, Telegram, Twitter, iMessage, etc.

Cette surveillance dite « client-side » serait déployée sur l’appareil de l’utilisateur. Un système d’alerte détecterait des contenus jugés suspects ou « prédateurs », même en l’absence de plainte, d’enquête ou de mandat.

On ne peut que saluer les mesures visant à préserver les mineurs contres les abus, mais le mécanisme proposé pose problème. S’il est ainsi mis en œuvre la vie privée ne sera plus garantie, mais conditionnelle.

La CNIL, l’EFF et Signal tirent la sonnette d’alarme

En février 2024, la CNIL a relayé sur son site la déclaration du Comité européen de la protection des données (CEPD) qui formulait des réserves sur le projet de règlement « prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants » notamment en jugeant que les injonctions de détection étaient trop générales et pouvaient entraîner une surveillance indiscriminée des communications privées.

À Bruxelles, plusiers eurodéputés (Patrick Beyer, Hilde Vautmans, Les Verts/ALE) et même Le Contrôleur européen de la protection des données (EDPS) et le Comité européen de la protection des données (EDPB) (source Wikipedia) ont dénoncé une violation des libertés fondamentales.

La Cour européenne des droits de l’homme a, quant à elle, rappelé en 2024 (Podchasov c. Russie) que le chiffrement est une protection légitime, et non un obstacle à la loi.

Quoiqu’il en soit, le projet continue d’avancer, avec un vote clé attendu le 14 octobre 2025.

Et maintenant ?

La France a récemment activé une autre forme de censure algorithmique : le blocage administratif des sites pornographiques, sans décision judiciaire. Mi-2025, plusieurs sites majeurs ont été rendus inaccessibles pour les internautes français n’ayant pas prouvé leur âge via une API.

Cette logique s’inscrit dans la continuité du contrôle par défaut, au nom de la protection des mineurs. On exige désormais une identification explicite (âge, pièce d’identité, parfois reconnaissance faciale) pour accéder à des contenus autrefois libres. Là encore, le chiffrement et l’anonymat reculent.

Des associations comme La Quadrature du Net alertent : l’obligation de vérification d’âge pourrait bientôt s’appliquer aux réseaux sociaux, messageries ou même moteurs de recherche, construisant ainsi un internet « certifié », contrôlé de bout en bout par des États ou des géants du numérique. Le site StopScanningMe.eu, alerte également sur les risques de cette mesure et les démarche de protestation déjà engagées.

Il est impératif dès à présent de réagir, en écrivant par exemple à vos eurodéputés, car une fois la machine enclenchée, revenir en arrière sera très difficile.

Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.