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Wall Street prévoit 200 000 licenciements à cause de l’IA


La révolution de l’intelligence artificielle n’épargne pas plus la finance que les autres industries. À Wall Street, les plus grandes banques du monde s’apprêtent à réduire massivement leurs effectifs, et près de 200 000 postes pourraient être menacés dans les prochaines années. L’IA rebat les cartes du secteur bancaire, entre gains d’efficacité et transformation du travail.

Une réduction progressive mais massive des effectifs

Selon les prévisions de Bloomberg Intelligence, relayées en janvier 2025, jusqu’à 200 000 emplois pourraient être supprimés dans les banques d’investissement et institutions financières mondiales d’ici 2030.

Ce chiffre représente environ 3% de la main-d’œuvre totale du secteur bancaire, et pourrait atteindre jusqu’à 10% dans les cas les plus extrêmes.

Les fonctions les plus exposées sont clairement identifiées :

  • back-office
  • middle-office
  • conformité KYC
  • support client

Ces postes reposent sur des tâches répétitives et normalisées, facilement automatisables par des algorithmes d’intelligence artificielle.

Depuis la crise financière de 2008, les grandes banques ont entamé une modernisation profonde de leur infrastructure informatique. La vague actuelle d’automatisation s’inscrit dans cette stratégie de long terme : faire plus avec moins, plus vite et à moindre coût.

L’intelligence artificielle, moteur d’un bouleversement structurel

Le changement de paradigme est porté par la montée en puissance des technologies d’IA générative et des agents intelligents. Les directeurs des systèmes d’information de groupes comme JPMorgan, Citigroup ou encore Goldman Sachs identifient ces technologies comme les principaux leviers d’optimisation à court et moyen terme.

Une étude publiée par Citi en 2024 révèle que 54 % des emplois du secteur bancaire présentent un potentiel élevé d’automatisation, un taux record, supérieur à celui de l’industrie, du commerce ou de l’assurance. À cela s’ajoutent 12% de fonctions pouvant être « augmentées » par l’IA, c’est-à-dire partiellement automatisées pour améliorer la productivité des salariés.

Plus de 80% des dirigeants interrogés estiment d’ailleurs que l’intelligence artificielle permettra d’augmenter la productivité et les revenus d’au moins 5% sur cinq ans. Un chiffre qui masque pourtant une réalité plus complexe sur le terrain social.

Des gains de performance colossaux

Le potentiel économique de l’IA dans le secteur bancaire est considérable. Selon Bloomberg Intelligence, la généralisation des outils d’IA pourrait générer une hausse de 12% à 17% des bénéfices avant impôts pour les grandes banques d’ici 2027.

En valeur absolue, cela représenterait jusqu’à 180 milliards de dollars de revenus supplémentaires pour l’ensemble du secteur.

Ces gains sont obtenus par la réduction de la masse salariale, l’automatisation des contrôles internes, l’analyse prédictive des risques, ou encore la personnalisation de la relation client à grande échelle. JPMorgan, par exemple, utilise déjà des systèmes d’IA pour sa gestion des risques et le service client. Sa directrice des initiatives IA, Teresa Heitsenrether, insiste toutefois sur le fait que ces outils ont « jusqu’ici augmenté les fonctions » plutôt que remplacé des humains.

Une promesse de progrès… mais à quel prix social ?

Le discours dominant reste celui de l’optimisme technologique. Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, déclarait en 2023 à Bloomberg TV : « Vos enfants vivront jusqu’à 100 ans et ne connaîtront pas le cancer grâce à la technologie. Et ils ne travailleront que trois jours et demi par semaine. »

Mais dans les bureaux, l’enthousiasme est tempéré par la réalité des transformations en cours. Les emplois peu qualifiés ou spécialisés dans des tâches administratives sont en sursis.

Dans un contexte où la reconversion professionnelle reste incertaine, les salariés des grandes banques doivent s’adapter à une nouvelle donne numérique imposée à un rythme accéléré.

Plusieurs syndicats, notamment au Royaume-Uni, réclament des programmes de reskilling massifs pour les personnels concernés. La question n’est pas de savoir si l’IA supprimera des emplois, mais si le marché du travail sera capable d’en absorber les conséquences. Le défi est autant technologique qu’éthique.

La finance entre dans une nouvelle ère, où l’intelligence artificielle devient un outil central de gestion et de compétitivité. L’équation est claire : réduction des coûts, augmentation des profits, transformation du travail. Mais les arbitrages humains qui en découlent seront décisifs.

Face aux promesses d’efficacité, le secteur bancaire devra faire preuve de responsabilité sociale. L’IA est un outil, pas une politique de l’emploi. Et si les algorithmes dictent demain le rythme de la finance, ils ne doivent pas en effacer l’humain.

Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.