Sur Spotify, un mystérieux groupe nommé The Velvet Sundown a réuni en quelques jours plus de 750.000 auditeurs mensuels, engrangeant plusieurs milliers de dollars de revenus par semaine. Leur musique, qui mêle racines folk, rock vintage et une touche psychédélique, s’infiltre discrètement dans des playlists populaires sur des thèmes allant des bandes originales de séries à la musique de l’époque de la guerre du Vietnam. Mais derrière ces titres, aucun vrai musicien n’apparaît et tout laisse penser que The Velvet Sundown est un groupe 100% IA.
La biographie de The Velvet Sundance sent le fake à plein nez
À première vue, le profil Spotify du groupe a de quoi séduire. On y découvre quatre artistes aux pseudonymes soignés :
- Gabe Farrow, le « sorcier du mellotron »
- Orion “Rio” Del Mar, percussionniste bohème
- Milo Rains, alchimiste des synthés
- et Lennie West, guitariste au style vintage.
Pourtant, une simple recherche en ligne sur ces musiciens n’aboutit à… rien du tout. Pas la moindre trace de concerts passés, d’interviews, ni même d’apparitions sur les réseaux sociaux.
Et ce n’est pas tout : leur texte de présentation, visiblement calibré pour la poésie marketing, évoque des univers oniriques et des influences fusionnées : « entre le fantôme de Laurel Canyon et l’écho d’un entrepôt berlinois ». Un style franchement cliché, probablement généré par ChatGPT.
Des titres avec des patterns IA
Musicalement, les morceaux de The Velvet Sundown tiennent la route. Ils reprennent tous les codes d’une folk psyché américaine, avec une qualité sonore tout à fait crédible pour des écoutes en streaming. Pourtant, plusieurs spécialistes de l’audio ont rapidement remarqué la patte de modèles IA avancés, en particulier Suno, capable de produire des pistes proches d’un enregistrement studio.
En juin, la plateforme Deezer a affirmé que certains titres du groupe affichaient des caractéristiques d’œuvres générées par intelligence artificielle. D’autres analyses techniques ont également pointé un style d’arrangement stéréotypé, des voix trop uniformes, et des transitions sans la moindre imperfection humaine.
Une viralité bien calculée
Comment un groupe inconnu peut-il dépasser le demi-million d’auditeurs mensuels ? La réponse se trouve probablement dans la mécanique des playlists, devenue la norme sur Spotify. The Velvet Sundown a été intégré à des sélections très suivies, où ses titres passaient inaperçus entre des morceaux légitimes de Creedence Clearwater Revival ou Bob Dylan.
Ainsi placés « en embuscade », ces titres IA engrangent des écoutes massives sans éveiller de soupçons. Pour les plateformes, cela signifie des revenus publicitaires et un catalogue gonflé à peu de frais. Mais pour les artistes humains, c’est une ponction directe sur des royalties déjà maigres.
Spotify et la réglementation attendue au tournant
Que The Velvet Sundown soit ou non une pure création artificielle (ce qui semble quasi-certain aujourd’hui), cette histoire soulève un problème plus large : la difficulté de distinguer la musique authentique de la musique fabriquée par une machine. Pour l’auditeur, la frontière est désormais floue.
Or, la rémunération des artistes repose sur la valeur unique de la créativité des artistes et en laissant entrer massivement des créations IA dans leurs catalogues, les plateformes risquent d’étouffer la scène indépendante et d’appauvrir l’écosystème musical tout entier.
Pour l’heure, Spotify n’impose pas d’étiquetage spécifique pour les titres générés par IA, contrairement à Deezer qui a commencé à alerter ses utilisateurs. Face à la montée en puissance de modèles comme Suno ou Udio, la question devient urgente.
Des figures comme Nick Cave ou Paul McCartney ont déjà publiquement réclamé des garde-fous pour éviter que l’IA ne vampirise la création musicale. Sans cadre juridique précis, ces faux groupes risquent de proliférer à une échelle encore inimaginable.