Luc Besson s’attaque à Dracula. Une annonce qui suscite forcément la curiosité. On s’imagine déjà un retour flamboyant, une relecture ambitieuse, une fresque romantique à la hauteur du mythe. Surtout venant d’un réalisateur qui, quoi qu’on pense de sa carrière, n’a jamais manqué d’audace visuelle. Mais à l’arrivée, Dracula: A Love Tale ressemble davantage à une déclaration d’amour floue qu’à un film de cinéma pleinement incarné.
Vlad l’amoureux éternel… et un peu apathique
Besson reprend les bases du Dracula de Coppola : la femme aimée qui se suicide, la damnation, la quête à travers les siècles pour retrouver son double. Mais là où le film de 1992 embrassait l’excès baroque, le cinéaste français choisit la voie du dépouillement. Intéressant sur le papier. Moins convaincant dans l’exécution.
Son Dracula, campé par Caleb Landry Jones, est un personnage introspectif, presque éteint. Une créature hantée, fatiguée, plus mélancolique que dangereuse. Ce parti pris aurait pu donner naissance à une figure tragique puissante. Mais en l’absence de tension dramatique réelle, l’errance du comte finit par devenir la nôtre. Le film semble parfois s’engluer dans son propre rythme. Vlad regarde, soupire, marche, souffre. Et recommence.
Un film d’amour sans chair
Le cœur du récit, c’est cette obsession pour une femme perdue, retrouvée sous une autre apparence. Zoë Bleu incarne cette réincarnation moderne. Elle est belle, douce, lumineuse… mais jamais vraiment présente. Le film ne prend pas le temps de construire une relation crédible, ni même un vrai dialogue. Ce lien censé traverser les siècles ne repose que sur quelques scènes éthérées et des flashbacks façon pub de parfum. Résultat : on ne ressent ni fièvre, ni tragédie, ni urgence.
Besson semble tellement fasciné par l’idée de l’amour absolu qu’il oublie de le filmer. Là où Coppola confrontait l’émotion au danger, au désir, à la pulsion, Dracula: A Love Tale s’en tient à une version désincarnée de la passion. Un amour de papier glacé.
Visuellement maîtrisé, mais sans âme
C’est peut-être là la vraie frustration du film. Il est souvent très beau. La lumière, les costumes, les décors, tout est soigné. Certaines séquences sont même superbes, comme figées dans une peinture romantique. Mais au bout d’un moment, cette élégance devient un piège. Le film est lisse, figé, presque aseptisé. Même les effets numériques, gargouilles animées, ombres mouvantes, semblent sortir d’un univers parallèle, plus kitsch que fascinant.
Besson n’ose pas. Il reste dans une zone de confort visuelle qui bride ses ambitions. Pas de vertige, pas de rupture de ton, pas de moment de grâce inattendu. L’ensemble se regarde comme une belle vitrine sans profondeur.
Christoph Waltz sauve quelques meubles
Dans cet univers cotonneux, Christoph Waltz vient injecter un peu de nerf. Il incarne un prêtre-chasseur de vampires avec une gravité ironique qui détonne. Ses scènes apportent une tension bienvenue, même si son personnage aurait mérité plus d’espace. Il symbolise ce que le film rate trop souvent : un vrai duel, une opposition, un enjeu.
La musique de Danny Elfman, elle, accompagne l’ensemble sans fausse note, mais reste discrète. On aurait espéré un souffle plus lyrique, une vraie présence musicale pour habiller cette tragédie d’ampleur. Mais comme souvent ici, tout est feutré, retenu, sous contrôle.
Une déclaration d’intention plus qu’un film de cinéma
Dracula: A Love Tale n’est pas un navet, loin de là. C’est un film honnête, sincère, presque pudique. Mais il souffre d’un vrai déficit de chair et de contraste. À force de vouloir être une fresque romantique, Besson oublie l’aspect monstrueux, sensuel, dérangeant du personnage. Dracula n’est plus une menace, ni un fantasme : c’est un poète fatigué qui pleure son passé. Et ça ne suffit pas.
Le film veut être une relecture élégante, il finit par devenir une sorte de parenthèse douce-amère, trop propre pour être passionnante, trop vague pour être marquante. Il manque de tension, d’émotion brute, de souffle.
L'avis de Mr Geek
Luc Besson signe un Dracula visuellement léché mais émotionnellement timide. Une adaptation qui assume son romantisme, mais peine à transformer cette vision en vrai cinéma. C’est beau, parfois touchant, mais trop sage pour captiver, trop lent pour hypnotiser.
Le vampire est là, mais ses crocs sont rangés.