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OpenAI for Countries : le cheval de Troie géopolitique de l’IA ?


Derrière son discours de coopération internationale et de promotion de l’IA « responsable », OpenAI avance ses pions sur l’échiquier mondial. L’entreprise américaine, déjà omniprésente dans l’IA générative avec ChatGPT, vient de lancer son programme « OpenAI for Countries », présenté comme une aide aux gouvernements pour intégrer l’intelligence artificielle dans leurs institutions. L’intention affichée est belle. Le sous-texte l’est beaucoup moins.

Une « offre clé en main » qui n’a rien de neutre et désintéressée

Le programme OpenAI for Countries ambitionne d’implanter des centres de données sur le territoire des États partenaires, de personnaliser les modèles linguistiques à leurs spécificités culturelles et linguistiques, et de cofinancer des fonds d’investissement pour les start-ups locales. L’emballage est séduisant : souveraineté numérique, développement local, innovation. Mais à y regarder de plus près, on retrouve les recettes bien connues du capitalisme de plateforme.

Comme les GAFAM avant elle, OpenAI prétend « aider »… tout en verrouillant les conditions d’accès. Former les administrations publiques aux outils OpenAI, c’est créer une dépendance structurelle. Installer les serveurs chez vous, c’est s’assurer que les modèles continuent de vous appartenir. Et promouvoir des standards techniques depuis San Francisco, c’est façonner les normes mondiales à son image.

Un impérialisme technologique sous couvert de coopération

Le projet s’inscrit dans la logique d’expansion du programme Stargate, appuyé par le gouvernement américain. Officiellement, il s’agit de contrer l’influence de la Chine dans l’IA. En pratique, c’est une forme d’impérialisme numérique parfaitement assumé. OpenAI n’est pas une ONG, c’est une entreprise privée au modèle économique opaque, financée par Microsoft, qui cherche à maximiser ses positions de marché à l’échelle planétaire. C’est d’ailleurs parce que la société devenait trop orientée profits que de nombreux cadres en sont partis pour aller fonder Anthropic en 2021, la société qui édite Claude.

OpenAI parle de « souveraineté locale » mais conserve la propriété intellectuelle de ses modèles. Elle parle de « personnalisation culturelle » mais ne partage jamais ses données d’entraînement. Elle parle de « gouvernance partagée » mais impose des conditions d’accès et d’usage. Derrière la rhétorique diplomatique, il y a une stratégie d’annexion technologique silencieuse…

Les gouvernements doivent se méfier

Accepter les offres d’OpenAI, c’est miser sur un fournisseur unique dont les choix stratégiques, financiers et éthiques peuvent basculer du jour au lendemain. C’est placer des fonctions critiques de l’État – éducation, justice, santé – entre les mains d’une entité privée étrangère, sans contrôle sur son évolution. C’est surtout reproduire les erreurs du passé, lorsque les institutions publiques se sont rendues captives de Microsoft, Google ou Amazon pour leurs infrastructures numériques.

Il est urgent que les États investissent dans des modèles open source, indépendants, audités, décentralisés. L’IA ne doit pas devenir une nouvelle dépendance structurelle à l’instar des hydrocarbures ou des semi-conducteurs. Derrière les offres bienveillantes d’OpenAI, c’est une lutte pour la souveraineté qui se joue.

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Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.