Mistral AI, le champion français de l’intelligence artificielle, voit les choses en très grand. À l’occasion du sommet Choose France organisé le 13 mai 2025, l’entreprise a annoncé la création d’un immense campus dédié à l’IA en Île-de-France. Ce projet, qui ambitionne de devenir le plus vaste d’Europe, marque un tournant stratégique pour la souveraineté technologique du continent. Avec à ses côtés des partenaires d’envergure comme NVIDIA, Bpifrance, le fonds souverain émirati MGX ou encore l’Institut Polytechnique de Paris, Mistral AI inscrit clairement son initiative dans une dynamique mondiale de compétition technologique.
Une infrastructure pensée pour rivaliser avec les géants américains
Le campus annoncé n’est pas un simple centre de recherche. Il s’agit d’un projet industriel et scientifique massif, taillé pour accueillir des data centers d’une puissance inédite : jusqu’à 1,4 gigawatt à l’horizon 2030. À titre de comparaison, c’est quasiment la capacité du réacteur nucléaire EPR de Flamanville. Un chiffre qui donne le vertige, mais qui témoigne de l’ambition derrière cette infrastructure.
La mise en service est prévue pour 2028, avec un démarrage des travaux dès 2026. À terme, le campus pourrait accueillir des milliers de chercheurs, développeurs, ingénieurs, mais aussi des startups et grands groupes européens désireux de collaborer sur les technologies de demain : modèles fondationnels, IA générative, cloud souverain, cybersécurité et bien plus.
Une alliance inédite entre acteurs publics et privés
Le projet s’appuie sur une synergie entre des géants technologiques internationaux et des institutions françaises. NVIDIA apportera son expertise en calcul haute performance et ses GPU, cœur des infrastructures IA actuelles. Bpifrance, bras armé de l’État pour l’innovation, cofinance l’initiative aux côtés du fonds souverain MGX basé aux Émirats arabes unis. L’Institut Polytechnique de Paris, qui regroupe notamment Polytechnique, Télécom Paris et ENSTA, jouera un rôle clef dans la formation, la recherche et l’essaimage de startups deeptech.
« Il s’agit d’un projet stratégique à l’échelle européenne, qui permettra à la France de reprendre la main sur les fondations de l’IA », a affirmé un représentant de Bpifrance, dans un communiqué commun avec Mistral AI. L’objectif est aussi de construire un écosystème souverain, capable d’absorber la demande croissante de puissance de calcul sans dépendre systématiquement des infrastructures américaines ou asiatiques.
Une réponse énergétique à la hauteur des enjeux
Ce gigantisme énergétique soulève toutefois des interrogations. Alimenter une telle infrastructure nécessite des garanties sur la stabilité et la durabilité de l’approvisionnement. Pour cela, Mistral AI s’appuie sur un partenariat avec EDF et RTE, afin de valoriser l’électricité décarbonée produite par le parc nucléaire français. Une manière de répondre à la fois aux besoins techniques colossaux des IA modernes, mais aussi aux exigences climatiques croissantes.
« Ce projet va démontrer qu’il est possible de concilier puissance technologique et transition énergétique », résume un cadre d’EDF impliqué dans les discussions. L’ambition est claire : faire de ce campus une référence mondiale en matière d’IA responsable et durable.
Lors du même sommet, Emmanuel Macron a réitéré son engagement pour faire de la France un acteur incontournable de l’IA mondiale. Il a rappelé l’objectif de former 100 000 data scientists par an et d’accompagner le développement de centres de données sur le territoire. L’IA est désormais un levier de souveraineté stratégique au même titre que l’énergie ou la défense.
Ce campus de Mistral AI s’inscrit dans cette feuille de route nationale. Il constitue une avancée concrète, à même de structurer un pôle d’excellence autour des technologies fondationnelles et de renforcer l’autonomie technologique de la France face aux GAFAM et aux acteurs chinois.
Une vitrine de la puissance technologique européenne
En concentrant compétences, infrastructures et financements, ce campus devrait jouer un rôle structurant pour l’ensemble du tissu numérique français et européen. Il représente aussi une réponse claire à la domination américaine sur l’IA générative, incarnée par OpenAI, Google ou Anthropic. Si le projet réussit son pari, il pourrait redéfinir l’équilibre des forces à l’échelle mondiale.
Reste à voir si ce modèle franco-émirati-public-privé saura tenir ses promesses et transformer l’essai à l’heure où la course à l’IA s’accélère chaque semaine. En attendant, l’annonce fait déjà figure d’événement fondateur dans la géopolitique technologique de ce début de décennie.