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Catherine Vautrin, ministre de la Santé, veut interdire les écrans aux enfants de moins de 3 ans, même à la maison

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Une mesure inédite est en préparation : le gouvernement envisage de bannir l’exposition aux écrans pour les enfants de zéro à trois ans, y compris dans la sphère privée. Un projet à visée symbolique, qui fait déjà débat.

Une interdiction ambitieuse portée par le ministère de la Santé

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé son intention d’interdire l’usage des écrans pour les enfants de moins de trois ans, non seulement dans les structures d’accueil comme les crèches ou les haltes-garderies, mais aussi à domicile. L’arrêté devrait être publié dans les semaines à venir et sera accompagné d’une vaste campagne de communication.

L’objectif affiché est clair : créer un référentiel normatif fort, comparable à celui de l’interdiction des châtiments corporels votée en 2019. Bien que difficilement contrôlable dans la sphère privée, la mesure vise à provoquer une prise de conscience collective sur les effets délétères des écrans chez les tout-petits.

Des justifications fondées sur les alertes scientifiques

La décision s’appuie sur des données préoccupantes. Selon une étude de Santé publique France, les enfants de deux ans passent en moyenne 56 minutes par jour devant un écran, alors même que les recommandations officielles préconisent une abstinence totale avant trois ans.

Les experts alertent depuis plusieurs années sur les effets cognitifs, sociaux et physiologiques de cette exposition précoce :

  • retards de langage
  • troubles de l’attention
  • perturbation du sommeil
  • et développement émotionnel altéré.

Plusieurs sociétés savantes françaises, tout comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), recommandent l’absence totale d’écrans avant deux ans, et une limitation stricte à une heure par jour entre deux et cinq ans. Ce consensus scientifique pousse aujourd’hui l’exécutif à passer à l’action.

Un encadrement juridique et social en construction

Concrètement, l’arrêté visera d’abord les professionnels. Les crèches, centres de loisirs et autres établissements accueillant de jeunes enfants devront bannir l’usage d’écrans dans leurs locaux, sauf à des fins professionnelles non accessibles aux enfants.

Les parents seront quant à eux ciblés par une série de messages préventifs : une mention sera ajoutée dans le carnet de santé, une autre dans le carnet de maternité, et des relais d’information seront déployés par la CAF, l’Assurance maladie, et les PMI.

En l’absence de sanction pénale prévue, cette norme juridique prendra plutôt la forme d’un « principe civil », à l’image de l’interdiction de la fessée. Elle pourrait toutefois être invoquée dans des procédures de divorce ou de garde, en tant qu’élément de discussion sur l’intérêt de l’enfant.

Une mesure saluée, mais loin de faire l’unanimité

Du côté des professionnels de la petite enfance, la réaction est globalement positive. Plusieurs responsables de crèches et de réseaux de parentalité estiment que cette mesure permettra de mettre fin à certaines pratiques encore tolérées, comme l’usage de la télévision dans les salles d’attente hospitalières ou les écrans utilisés pour « canaliser » les enfants dans les foyers d’accueil. D’autres soulignent que cela donnera un cadre légal à des recommandations déjà largement admises dans les milieux éducatifs.

Mais dans la sphère publique, les avis sont plus partagés. Nombre de parents voient d’un mauvais œil une incursion de l’État dans la gestion domestique de leurs enfants. Certains dénoncent une « infantilisation » des familles, et questionnent l’efficacité réelle d’une telle mesure dans un monde où les écrans sont omniprésents, y compris dans l’environnement familial et professionnel.

Interdire les écrans à la maison aux parents

Un contexte politique plus large autour de la régulation numérique

Cette décision s’inscrit dans une politique plus large de régulation de l’usage numérique chez les jeunes. En 2024, une commission d’experts mandatée par Emmanuel Macron avait rendu un rapport intitulé « À la recherche du temps perdu », contenant 29 recommandations :

  • interdiction des écrans avant trois ans
  • encadrement sévère jusqu’à six ans, et accès aux réseaux sociaux repoussé à treize ans.

Ce même rapport a été utilisé comme socle pour la rédaction de la loi sur le contrôle de l’accès aux réseaux sociaux par les mineurs, adoptée en avril. La volonté affichée de l’exécutif est donc de créer une cohérence globale sur l’usage du numérique dans l’enfance, de la petite enfance à l’adolescence.

Reste à voir si cette stratégie de normalisation sociale portera ses fruits, dans un contexte où les enfants naissent dans un environnement saturé d’écrans, et où l’usage domestique du numérique reste perçu comme une affaire privée. Le défi est autant éducatif que culturel.

Ingénieur ENSAM Paristech et diplômé du MBA de l'ESSEC, Fabien est journaliste Tech & Pop Culture mais aussi Consultant IA et Marketing.