Le Danemark va mettre en place un garde-fou inédit face à la montée des deepfakes et de l’intelligence artificielle générative. En présentant un projet de loi radical, le gouvernement entend reconnaître à chaque citoyen un véritable « droit d’auteur » sur son propre corps, sa voix et son visage. Objectif : offrir aux Danois la possibilité d’autoriser ou de refuser l’utilisation de leur apparence et de leur voix, à l’image de ce que détiennent les artistes sur leurs œuvres.
Ce projet, déjà soutenu par une large majorité d’élus, s’inscrit dans une réponse ferme à la prolifération des hypertrucages. Ces manipulations numériques permettent, à partir de quelques images ou enregistrements, de générer des vidéos ou des audios trompeurs qui peuvent nuire à la réputation ou servir à l’extorsion.
Jakob Engel-Schmidt, ministre de la Culture, a d’ailleurs martelé dans les colonnes du Guardian que « chacun doit pouvoir disposer de son propre corps, de sa propre voix et de son propre visage ». Selon lui, la législation actuelle est inadaptée pour protéger les citoyens face à la puissance des IA génératives.
En pratique, la réforme donnera la possibilité à toute personne de faire retirer rapidement un contenu utilisant son image ou sa voix sans autorisation. Si une plateforme refuse, le texte prévoit des sanctions sévères : amendes conséquentes, voire poursuites judiciaires en cas de non-respect.
Le Danemark se veut aussi garant de la liberté d’expression : la loi prévoit des exceptions limitées pour la satire et la parodie, à condition de ne pas porter atteinte à la dignité des personnes visées.
Cette initiative marque une première en Europe. Le Danemark ambitionne de porter ce débat au niveau européen dès juillet 2025, lorsqu’il prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne.
Jakob Engel-Schmidt a déjà annoncé sa volonté d’inspirer d’autres États membres et de créer un cadre commun, à l’image de ce qu’a représenté le RGPD pour la protection des données personnelles. La crainte est grande que ces hypertrucages alimentent la désinformation politique ou servent à des campagnes de harcèlement. Une étude de Sensity AI estime que 95 % des deepfakes recensés aujourd’hui relèvent de la pornographie non consentie, visant en immense majorité des femmes.
Ces dérives ne se limitent pas à l’intime : des escroqueries de plus en plus sophistiquées utilisent déjà des voix clonées pour piéger des proches et obtenir de l’argent sous pression. Face à l’essor de ces arnaques, le gouvernement danois juge indispensable d’établir des garde-fous puissants et rapides, afin que la victime puisse reprendre le contrôle de sa propre identité. La réforme serait soumise à consultation publique dès cet été, pour un vote prévu à l’automne 2025.
Si elle est adoptée, la loi ferait du Danemark le premier pays au monde à assimiler l’image, la voix et le corps humain à des œuvres protégées, soumises à un droit d’auteur personnel. Cela signifierait concrètement que toute reproduction nécessiterait un consentement explicite, sous peine de sanctions. Une telle avancée pourrait bien préfigurer un nouveau modèle juridique européen, tant la pression de l’IA sur les libertés individuelles semble appelée à se renforcer dans les années à venir.
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Deepfake: L’IA au service du faux