Critique Snowden : un super héros sans pouvoir

Oliver Stone n’est pas à son premier biopic politique (JFK, Nixon, W, Commandante, Mi amigo Hugo). On l’attendait donc au tournant avec ce film qui raconte la vie, non pas d’une figure politique majeure, mais d’un ex-analyste de la NSA : l’exilé Edward Snowden, âgé de seulement 29 ans au moment des faits qui l’ont rendu célèbre.

Même si Stone sort son film rapidement, puisque les révélations de Snowden ne datent que de juin 2013, il arrive déjà après le documentaire Oscarisé Citizenfour.

Snowden : un film à haute tension

Le film se déroule dans une seule chambre d’hôtel dans laquelle Edward est interviewé par les journalistes qu’il a sélectionné pour partager ses révélations. Cela rend d’ailleurs la vison du film Snowden assez troublante car la fiction recrée les coulisses de ce tournage dès le début.

C’est d’ailleurs la colonne vertébrale du film, et nous accédons en flashback à la vie d’Edward Snowden. On pouvait se demander avant d’entrer dans la salle pourquoi ce jeune homme de moins de 30 ans avec une situation professionnelle exceptionnelle avait sabordé sa carrière et sa vie toute entière pour de « simples révélations ».

Critique Snowden : un super héros sans pouvoir

Le film permet enfin de comprendre pourquoi et comment il s’est retrouvé en possession d’informations clefs sur le système de surveillance de masse américain, et pourquoi il les a divulguées.

Bande Annonce Snowden

Grand réalisateur et mise en scène banale

Les fans d’Oliver Stone seront sans doute déçus car nous sommes loin de la maestria de mise en scène que pouvait avoir JFK, Tueurs Nés, ou encore L’Enfer du Dimanche.
Le numérique est un sujet qu’il n’a pas vraiment abordé esthétiquement jusqu’à présent, à part dans Wall Street 2 (dont personne ne se souvient et surtout pas pour la performance de Shia Labeouf).

Critique Snowden : un super héros sans pouvoir #2

Pourtant, soutenu par le chef opérateur Anthony Dod Mantel (Slumdog Millionaire, 127 heures, Dredd) grand spécialiste de l’image numérique, le look du film reste banal voire indigne d’un film de Stone.

L’histoire possède un rythme inégal, comme le montre l’histoire d’amour. La rencontre entre Linday et Edward est très rapide, à peine rencontrés ils forment déjà un couple. Le personnage de Lindsay apparaît parfois uniquement comme un faire-valoir.

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Pourtant Lindsay est régulièrement un vrai contrepoint idéologique ou critique envers Edward. On peut même regretter ne pas les voir débattre plus souvent, elle démocrate et lui républicain.

Oliver Stone sympathisant de l’affaire Snowden

Malgré tout ces points faibles, le film conserve un certain intérêt pour le parcours de Snowden qui reste fascinant.
Déjà, il gagne un gros capital sympathie pour les geeks quand, lors d’un interrogatoire, il cite comme influences :

  • Campbell (le héros aux mille visages)
  • Star Wars
  • et Thoreau (écrivain qui inspira notamment le personnage de Into the Wild)

On le découvre comme étant un républicain convaincu qui finira par espérer l’élection d’Obama !

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S’engageant dans l’armée pour défendre son pays après les attentats du 11 septembre 2001, il est par la suite réformé pour blessures. Travaillant ensuite pour la défense, il ne fut pas qu’un simple analyste comme expliqué par les médias, mais bien un codeur qui a créé des logiciels pour aider son pays contre les hackers.

Snowden un héros moderne : seul contre tous

Ce film n’est sans doute pas le film de l’année, mais il a le mérite de raconter l’histoire d’un vrai héros contemporain, qui a sacrifié son confort et son mode de vie pour le bien de ses compatriotes, dans la plus pure tradition du voyage du héros de Campbell, auquel Snowden fait lui-même référence.

Il montre ainsi qu’on peut apprendre, changer d’opinion et se battre pour ce qu’on pense juste.

Critique Snowden : un super héros sans pouvoir #5

C’est un vrai film initiatique avec de belles scènes, comme celles trop rares avec Nicolas Cage, ou encore, la visioconférence où Snowden se confronte avec son mentor (Rhys Ifans). Et bien sur, le vol des données avec leur sortie des locaux de la NSA.
Cette scène malheureusement spoliée dans la bande annonce est une fiction : Snowden n’a jamais révélé à quiconque comment il avait réussit ce tour de force.

Critique Snowden : un super héros sans pouvoir #6

Le film reste ludique et essaie d’expliquer les enjeux des programmes malveillant qu’utilise les renseignements américains. L’unique scène réussie du « monde numérique » met en scène la constellation d’individus auquel a accès Snowden lors d’une recherche. Sachant que théoriquement chaque individu est à 6 degrés de séparation d’un autre, nous sommes tous potentiellement dans les disques durs de la NSA…

Snowden 4 ever

Ce film ainsi que Citizenfour sont destinés avant tout au peuple américain, qui pense en majorité encore, que Snowden est un traître.
Ces œuvres ont deux objectifs majeurs :

  • réhabiliter Snowden auprès de ses compatriotes
  • et faire prendre conscience au monde entier des abus quotidiens avec nos informations personnelles.

Et ces deux objectifs me semblent atteint dans tous les cas.

On comprend ainsi en quoi Snowden est un héros typique de la filmographie de Stone. Comme Jim Garrison (Kévin Cotsner) dans JFK, il cherche la vérité et veut la faire connaître au grand public. Comme Ron Kovic (Né un 4 juillet) il est déçu par le système et les dirigeants de son pays.
Le parcours même de ce jeune informaticien résonne avec celui d’Oliver Stone qui, comme lui aussi, s’est engagé dans l’armée et finit par faire scandale (Platoon, Tueurs nés) pour réveiller le pays qu’il aime.

Critique Snowden : un super héros sans pouvoir #7

Loin des supers-héros Marvel et DC, Snowden apparaît comme un véritable héros humain et moderne. Son histoire devrait parler à toutes les générations qui ont grandi avec les ordinateurs. Pourtant, ce film risque de faire beaucoup moins que Civil War au box office…

Bonus : le problème de la surveillance expliqué en vidéo

Enfin, pour ceux qui ont peur de ne rien comprendre au film, voici une petite vidéo. Il est vrai, il y a un parfois un peu de jargon technique qui peut déranger le spectateur. Mais l’important est de comprendre l’idée globale. Et John Oliver de Last Week Tonight vous propose de vous expliquer avec un exemple simple :

Snowden est sorti le 2 Novembre au cinéma, et on vous conseille d’aller le découvrir sans plus attendre au cinéma.

Avis de la rédaction sur Snowden   4 / 5