4e licence mobile : une ouverture attendue qui se révèle complexe

  • Par Fabien Elharrar
  • Publié le 21 septembre 2009 à 11:16, modifié le 6 mai 2019 à 17:47

L’appel à candidature pour la 4ème licence 3G est relancé

Le 1er août dernier a été publié l’appel à candidatures pour la quatrième licence de téléphonie mobile de troisième génération : sur la bande 2100 MHz réservée aux réseaux 3G, 3 blocs de fréquence de 5MHz duplex seront affectés en 2 phases.

Le premier bloc sera attribué à un nouvel entrant. Les dossiers doivent être déposés avant le 29 octobre, pour une attribution prévue au plus tard le 29 mai 2010. Dans un deuxième temps, la candidature aux fréquences résiduelles sera ouverte à tous : affectation de 2 blocs de fréquence, ou si la 1ère phase est infructueuse, des 3 blocs.

Dans leur dossier, les candidats devront justifier de la cohérence et de la crédibilité de leur projet, préciser leurs engagements en termes d’offres de services et d’offres tarifaires, d’ouverture aux MVNOs, etc. Outre le coût de licence fixé à 240 millions d’euros, le 4ème opérateur devra de plus garantir une couverture de 25% de la population en deux ans et de 80 % en 8 ans.

Mais face à l’oligopole des 3 opérateurs historiques, y a-t-il réellement de la place sur le marché français pour un nouvel acteur de premier plan ?

4e licence mobile : une ouverture attendue qui se révèle complexeLe marché mobile français présente encore un potentiel de croissance

Le marché mobile français offre théoriquement de vraies perspectives de croissance avec seulement 92% d’équipement, contre plus de 100% pour l’Europe de l’Ouest et 120% en Grande Bretagne et en Italie. Pourtant ce taux d’équipement stagne depuis plusieurs années et les MVNOs peinent à gagner des parts de marché. Côté 3G, les attentes étaient nombreuses en termes de revenus additionnels, mais si la couverture dépasse déjà les 70% de la population, le taux d’actifs en 2009 n’est que de 24% du parc total (contre plus de 30% en Grande Bretagne et en Italie), et la consommation de services tarde à décoller. Il y aurait donc, en théorie, de la place pour un « rattrapage » des usages mobiles de la France sur ses voisins européens.

Mais les comportements de fidélité des consommateurs n’encouragent pas la venue d’un 4e entrant : 69% des abonnements sont post-payés, et la fidélité des clients atteint des records. Plus de la moitié d’entre eux n’ont pas changé d’opérateur… depuis plus de 5 ans.

Enfin, les coûts d’infrastructure des réseaux 3G sont particulièrement élevés (jusqu’à trois fois les coûts d’une architecture 2G de même couverture) ce qui monte la facture globale, pour un nouvel opérateur, à plus d’un milliard d’euros. Dans ces conditions, la liste des candidats potentiels se voit fortement réduite.

Les candidats potentiels se partagent des atouts très différents

En dehors de Free, déjà déclaré depuis le précédent appel à candidature, 3 opérateurs télécom et 2 MVNOs ont également manifesté leur intérêt : Orascom, Numéricâble, Bolloré, Virgin Mobile et Kertel.

Avec un CA 2008 de 1,55 Milliards d’euros et 4,4 millions de clients internet, Free, 2ème FAI français derrière Orange et devant SFR, est le grand favori de la course à la 4ème licence.
Free a bien l’intention de jouer son rôle d’agitateur du marché et les promesses de son directeur général Maxime Lombardini de « diviser […]
par deux la facture » ont de quoi inquiéter les 3 opérateurs. L’outsider Bouygues Telecom, qui se positionne comme Free sur l’innovation, semble d’ailleurs accélérer sa stratégie quadruple play avec le lancement récent de la Bbox.
Néanmoins Free n’a pas de réseau de distribution physique et devra se renforcer rapidement sur la relation client.

Orascom, opérateur égyptien, est le candidat le plus à même de garantir la solidité financière de son projet avec un CA de 5,3 milliards d’euros en 2008 et une base de 78 millions de clients dans le monde.
La holding Telecom qui se développe en Europe (rachats de Wind en Italie, de Wind Hellas en Grèce et tentative de rachat de Bouygues Telecom en 2007) tiendrait enfin une opportunité de pénétrer le marché tricolore. Sa connaissance des marchés d’Europe Occidentale n’est toutefois pas assurée pour préparer son arrivée sur le marché et son PDG Naguib Sawiris déclarait dernièrement : « Nous sommes ouverts à toutes les combinaisons : acquisitions, fusions, alliances, partenariats ».

Parallèlement le groupe Bolloré Telecom s’est déclaré intéressé par cette 4ème licence à condition d’être accompagné d’un partenaire. « Il n’est pas question que nous y allions seuls, ce n’est pas raisonnable. Si des gens veulent qu’on vienne avec eux et qu’on leur apporte quelque chose, on écoutera » a déclaré son PDG Vincent Bolloré. Le groupe qui possède déjà 20 licences WiMax régionales pourrait ainsi développer des synergies entre 3G et WiMax mobile.

D’abord annoncé comme l’adversaire le plus sérieux de Free, Numéricable s’était finalement retiré de la course lors du précédent appel d’offre. Pour le FAI, qui atteint tout juste le million de clients, il semblerait ambitieux de s’engager aujourd’hui seul dans une bataille pour la 4ème licence qui tournera vite en bataille du quadruple play. Sa candidature au nouvel appel d’offre reste donc incertaine.

Du coté des MVNOs, Kertel, ancienne filiale d’Iliad, s’est officiellement retiré de la course début septembre. Faute de liquidités, sa maison mère Proximania ne pourra pas déposer un dossier financier solide, malgré un chiffre d’affaires de 550 millions d’euros en 2008.

Enfin, Virgin Mobile fait figure d’outsider avec « seulement » 250 millions d’euros de CA en 2008. Mais si le 1er MVNO français n’a peut-être pas les moyens d’assurer seul l’achat de la licence, il a l’expérience du mobile et une base de plus d’1 million d’abonnés. Virgin mobile dispose en outre d’une expérience de gestion des points de vente de proximité et des relations avec les constructeurs de terminaux qui pourraient faire la différence.

Le paysage Télécom français en sera-t-il durablement modifié pour autant ?

La complexité du marché français ne permettra probablement pas à un candidat de révolutionner seul les prix de la téléphonie mobile. La guerre qui se prépare pourrait en revanche obliger les acteurs en place à simplifier leurs offres pour une meilleure lisibilité, et à prendre davantage de risques notamment sur l’innovation.

Le mode d’attribution de la licence 3G pourrait voir émerger des alliances décisives et changer durablement le paysage concurrentiel français. La liste des candidats reste donc ouverte et l’annonce des dossiers retenus fin novembre pourrait encore révéler quelques surprises…
Source : Le Journal du Net – Fabien Elharrar

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